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À propos des Yukaghir

Couple yukaghir photographié en 1901
Les Yukaghir sont un peuple de l'extrême nord-est de la Sibérie, entre les fleuves Lena et Kolyma – la région comprend l'amphithéâtre de Verkhoiansk, la zone la plus froide de la planète, avec des température moyennes en janvier de -51° C.

Il s'agit d'un de ces peuples de chasseurs-cueilleurs qui pratiquaient l'élevage et qui, à ce titre, se rapprochent socialement davantage des agriculteurs que des chasseurs-cueilleurs « purs », n'accumulant aucune forme de richesse. Toutefois, comme on va le voir dans un instant, la situation des Yukaghirs est loin d'être totalement claire à ce sujet.

Il faut préciser d'emblée que la description ethnographique de ce peuple pose de multiples difficultés. Les Yukaghirs occupaient, il y a quelques siècles, une immense zone aux conditions écologiques assez variées. Mais, dès le XVIIe siècle, la pénétration et la conquête russes ont réduit leur population et leur territoire comme peau de chagrin. À cela se sont ajoutés des mouvement des tribus environnantes (Yakoutes, Chuckchee, Toungouses...) qui ont mêlé traditions et individus. L'ethnographe qui les a documentés à la fin du XIXe siècle, Waldemar Jochelson, souligne donc qu'il n'a pu étudier qu'un peuple en voie de disparition, et dont les traditions culturelles avaient déjà été largement bouleversées par de multiples influences.

Sur le plan économique, les Yukaghir sont donc des chasseurs-éleveurs. Les deux seuls animaux concernés sont le chien et le renne. Ce dernier est la ressource typique de la région : dans tout le nord de la Sibérie, le renne (parfois accompagné du cheval) constitue l'animal d'élevage par excellence.

Dans la zone qui constituait le cœur de leur territoire au moment de l'ethnographie de Jochelson, à savoir le littoral de l'Océan arctique, à l'ouest de l'embouchure de la Kolyma, les troupeaux de rennes des Yukaghir étaient toutefois très limités, en raison de la pauvreté des ressources naturelles. Le plus nombreux, celui d'un chef de clan, comptait 70 têtes. Les familles ordinaires, elles, ne disposaient que de 8 à 15 bêtes, un chiffre insuffisant pour pouvoir transporter de manière indépendante son matériel lors des changements de campement. Ce faible chiffre interdisait aussi au renne domestique de représenter une source de nourriture. Il était donc essentiellement utilisé pour le transport, voire pour la monte (en particulier l'été, lorsqu'il fallait vivre dans des zones qui devenaient marécageuses). Les Yukaghirs possédaient également peu de chiens – ceux qui vivaient sur le cours supérieur de la Kolyma, à l'intérieur des terres, en avaient encore moins.

Les Yukaghirs pêchaient, à la nasse ou au filet, dans les rivières qui fournissaient des ressources relativement abondantes. Le poisson d'eau douce représentait la base de leur alimentation. En plus de cela, ils chassaient : le renne sauvage, bien sûr, mais aussi, dans les temps anciens, le wapiti. Celui-ci représente un gibier de taille imposante et, en cas de succès, fournissait d'importantes ressources (au point de prendre souvent le pas sur le renne dans les priorités des Yukaghirs). La chasse visait aussi, en particulier depuis l'arrivée des Russes, les animaux à fourrure : zibeline, glouton, lynx... Mais, de même que le wapiti, leurs populations avaient été décimées et à l'époque de Jochelson, elles étaient virtuellement éteintes.

Questions autour du passage à la richesse

Yukaghirs montant leurs rennes
Si l'on se fie à la classification élaborée par Alain Testart, que j'ai discutée à de nombreuses reprises dans ce blog, les Yukaghirs se situent d'un point de vue technique à la limite du basculement vers des structures sociales à richesse : ils pratiquent une forme de stockage régulière mais limitée, permettant éventuellement le basculement vers les prix de la fiancée et le wergeld [je me permets d'être allusif ; le lecteur qui recherche des explications sur ce point pourra par exemple se référer à cet article, ou encore à ce billet].

Or, tel n'est pas le cas chez les Yukaghirs. En matière matrimoniale, la règle – tout au moins pour les Yukaghir du littoral – est celle du service pour la fiancée :
Lorsqu'un jeune homme a fait son choix, et a décidé d'épouser la fille qui a gagné son coeur, il commence par témoigner quelques bienfaits et à accomplir quelques travaux pour les parents de son aimée. Ainsi, le fiancé en puissance ramène le produit de sa chasse dans la maison de l'élue de son cour sans rien en dire à personne. Il arrive aussi le matin pour couper du bois, ou réparer le traîneau de son beau-père putatif, pour réparer son fusil, ses filets, aider à la pêche, etc. Si le jeune homme est persona grata auprès des parents ou du frère aîné, ses faveurs silencieuses sont acceptées tout aussi silencieusement ; dans le cas contraire, ces avances sont rejetées sans un mot d'explication. Dans ce cas, un membre de la famille lui dira : « Ce n'est pas nécessaire, ne prends pas cette peine. » (...) La période de « service » est d'une durée indéterminée, qui dépend de diverses circonstances. (p. 87)
Au passage, Jochelson insiste sur l'asymétrie des relations au sein de cette société :
La position d'un jeune homme dans la maison de son beau-père est très subordonnée. En fait, il apparaît « servir » pour son épouse aussi longtemps que des membres plus âgés de la famille de celle-ci sont encore en vie. Il devait se plier aux volontés de son beau-père, des frères aînés de sa femme, et de tous les membres de la famille plus vieux qu'elle ; mais après la mort de son beau-père, de l'oncle de sa femme, et de ses frères aînés, ou après que ceux-ci se sont mariés et sont partis vivre avec leurs beaux-pères, il devenait lui-même le chef de famille. (p. 91-92)
La situation n'est toutefois pas générale. Sur le cours supérieur de la Kolyma, là où les Yukaghirs « ont été assimilés par les Toungouses, parmi lesquels ils vivent », le service s'est combiné au prix de la fiancée, ce paiement en biens matériels, ainsi qu'à une forme de dot :
Le gendre part vivre dans la maison des parents de la fille, et y reste un à trois ans. (...) L'entremetteur, accompagné de sa femme, vient chercher la fiancée. Il lui dit le nombre de rennes préparés par le père du gendre en tant que prix de la fiancée, et s'enquiert de ce que la fille reçoit en dot. Cette dot consiste généralement en un certain nombre de rennes attelés à des traîneaux.  
En ce qui concerne le wergeld, les informations livrées sont peu nombreuses : cette société semble avoir été assez peu conflictuelle – mais il est difficile d'avoir des certitudes sur ce point, la colonisation russe ayant imposé la pacification de longue date. De manière cohérente, néanmoins, avec ce qui précède, aucune forme de compensation matérielle des crimes de sang ne semble avoir existé :
De nombreux contes faisant allusion à la coutume de la vengeance de sang ont été intégralement préservés. Selon ces contes, les règles régissant la coutume de la vengeance de sang étaient les suivantes. Les vengeurs sont les parents de la victime, en ligne masculine du côté du père. Si les parents maternels de la victime trouvaient le coupable en premier, ils devaient dévoiler sa cachette aux parents paternels et, à titre exceptionnel, leur prêter main-forte pour accomplir la vengeance. (...) À titre de rançon, la famille du coupable donnait au fils ou au frère cadet de la victime une jeune fille, qui intégrait la maison de sa famille. On dit que les Yukaghir ne connaissaient aucune autre forme de rançon. (p. 132-133)
Il est évident que le terme de rançon est ici totalement inapproprié, et que c'est celui de compensation qui aurait dû être employé. Toujours est-il que la situation semble claire : les Yukaghirs sont de petits éleveurs qui, à l'instar des Baruya de Nouvelle-Guinée, et au moins là où ils n'ont pas subi d'influences extérieures, ignorent les institutions liées à la richesse telles que le prix de la fiancée ou le wergeld. Pourtant, un élément totalement contradictoire vient troubler le tableau : il s'agit de l'esclavage, dont Alain Testart écrivait qu'il représentait la richesse par excellence, et qu'il constituait par définition une rupture avec le monde des sociétés sans richesse.
L'esclavage existait parmi les Yukaghirs. On appelait l'esclave po, ce qui signifie littéralement « travailleur ». Tous les captifs étaient esclaves. Celle-ci comprenait aussi bien des hommes que des femmes ; mais ces dernières, en position d'otages ou d'épouses, en particulier si elles avaient eu des enfants de leur maître, jouissaient d'une indépendance bien plus grande que les esclaves masculins. Celui-ci était bien plus dépendant et misérable. Selon les traditions, il ne pouvait intégrer ni le groupe des guerriers – car on ne pouvait se fier à la loyauté d'un captif – ni celui des chasseurs. L'esclave restait à la maison avec les femmes, les personnes âgées et les enfants, et été chargé du travail domestique à l'instar des femmes. On lui permettait néanmoins, d'accomplir de surcroît des travaux tels que la maintenance des traîneaux et des filets, et de participer aux parties de pêche. (p. 133)
On se trouve donc là clairement devant un hiatus : la société yukaghir, dans certaines de ses dimensions essentielles, présente des traits contradictoires. Peut-être faut-il y voir le fruit d'une situation particulière ; encore faudrait-il expliquer pourquoi, et comment, ce peuple peut violer la règle selon laquelle l'esclavage ne peut qu'aller de pair avec d'autres institutions telles que le prix de la fiancée et le wergeld. Soit (ou, par conséquent), il faut reformuler le critère de séparation entre sociétés avec et sans richesses. Je ne suis pas du tout capable de m'atteler à une telle tâche dans l'état présent de mes connaissances, mais il me semble que les deux manières dont la richesse est censée faire son apparition dans l'évolution sociale (d'une part par la naissance de l'esclavage, d'autre part par le paiement d'obligations sociales avec des biens matériels) n'ont pas de lien direct et immédiat entre elles. Il y aurait donc sans doute matière à réflexion, et la ligne de démarcation franche censée signaler le passage à la richesse ressemble sans doute, quand on y regarde de plus près, à un terrain accidenté...

Le partage du produit et la dynamique du progrès technique

Campement d'été
L'autre aspect qu'il convient de relever chez les Yukaghir est la règle qui régit le partage de la nourriture. C'est également un sujet qui me tient à cœur, et sur lequel les développements d'Alain Testart ne m'ont jamais vraiment convaincus. Celui-ci expliquait en effet que l'originalité de l'Australie tenait au fait que selon les coutumes matrimoniales, le chasseur n'était ni le propriétaire, ni le bénéficiaire de ses propres prises. Ce trait original était censé expliquer non seulement des particularités sociologiques, mais aussi le retard du progrès technique sur ce continent.

Une des premières objections qui vient à l'esprit est que cette dépossession du chasseur n'est pas propre à l'Australie ; elle intervient également en Amazonie, par exemple chez les Guayaki étudiés par Pierre Clastres (et, plus tard, par divers anthropologues américains qui ont confirmé ses observations). Or, je découvre avec les Yukaghirs que la Sibérie n'ignorait pas non plus ce type de rapports :
En procurant de la nourriture aux membres du clan, le maître-chasseur du clan, de même que les autres chasseurs, ne faisait rien d'autre que son devoir - veiller à leurs besoins physiques ; par conséquent, ils n'avaient eux-mêmes aucun droit au produit de leur chasse. « Le chasseur tue, les autres reçoivent », disent les Yukaghirs. La viande des animaux battus est partagée par les femmes sous la direction de l'épouse de l'aîné du clan. La famille du chasseur, comme les autres familles du clan, reçoit une part proportionnelle au nombre de ses membres. Tout ce dont le chasseur bénéficie à titre personnel est la tête ; le maître-chasseur a de plus l'honneur de voir la tente de sa famille être la première du campement, et sa femme participer à la distribution de la viande. (124)
L'explication donnée de la coutume est la suivante :
Les chasseurs tuent les rennes, non pour eux-mêmes ou pour leur famille, mais pour la totalité du groupe qui les accompagne durant la saison de la chasse ; et la même règle est observée dans la distribution de la viande, le chasseur lui-même n'en recevant aucune part. En ce qui concerne la « chasse à la viande », le principe collectif des besoins de tous les membres du clan [le groupe local] continue de prévaloir sur le principe du travail – le droit du chasseur au produit de sa chasse. Il travail, fait des efforts, endure de terribles privations, pour les gens de « son sang », non pour lui-même. Ces coutumes sont une conséquence des conditions matérielles dans lesquelles les Yukaghirs continuent de vivre. Si on permettait à un chasseur valide de ne chasser que pour sa propre famille, la plupart des membres du clan mourraient de faim : d'où l'ambition du chasseur. (124)
On a du mal à voir pourquoi de telles coutumes seraient moins défavorables au progrès technique que celles qu'Alain Testart décrit pour l'Australie, le chasseur ne bénéficiant, à titre personnel, pas davantage du produit de sa chasse (ni ne présidant à sa distribution) dans un cas que dans l'autre. Cette information renforce donc ma conviction que ce type de règles est avant tout une forme de collectivisme effectivement dicté par la nécessité de répartir les risques d'approvisionnement. Si on devait entrer dans les détails, on devrait même remarquer que les pratiques des Yukaghirs, peut-être parce que leur environnement est plus hostile, sont sur ce plan plus collectives, plus égalitaires, en un mot plus communistes que celle des Aborigènes. Ceux-ci approvisionnent en effet en priorité leur belle-famille, ce qui permet à l'ancien ayant plusieurs filles mariées ou promises de bénéficier à titre personnel du produit de la chasse de plusieurs gendres et de profiter ainsi d'un certain confort individuel. Rien de tel chez les Yukaghir où semble régner, au moins sur ce plan, un égalitarisme beaucoup plus rigoureux. Toutefois, du point de vue du chasseur et du supposé désintérêt que la dépossession de ses propres prises est censée entraîner pour le progrès et l'efficience techniques, les deux coutumes devraient posséder des effets similaires...

Un autre problème est celui posé par d'autres activités, en particulier la pêche, où :
À l'heure actuelle, le poisson pêché appartient, pour l'essentiel, à ceux qui l'ont attrapé et non au clan (125)
Jochelson relie cette pratique au fait que le matériel de pêche (en particulier, les matières premières des filets) doit être acheté auprès des Yakoutes ou des Russes. Ces importations trouvent leur contrepartie dans l'essor de la chasse aux animaux à fourrure, pour lesquels là aussi, le fruit de la chasse est approprié individuellement. On serait donc en présence d'un système traditionnel et collectif, concernant en premier lieu l'alimentation, où l'interaction commerciale avec des groupes et des marchandises étrangers auraient introduit l'individualisme de la répartition. Sans être nullement absurde, une telle explication ne me semble pas aller de soi, et là encore, mérite sans doute plus ample examen.

Référence :
L'ethnographie de W. Jochelson est disponible en ligne


2 commentaires:

  1. Bonjour Christophe,
    Encore une fois tu marques un beau coup ; je viens de lire ton billet et j'apprécie tes remises en question des thèses de Testart, principe de base de toute discussion scientifique et réflexe sain pour ne pas se laisser aller à la paresse intellectuelle des certitudes intangibles. Dans ce procès de certaines thèses d'Alain Testart et bien que ne connaissant rien des Yukaghir (ni des autres peuples périphériques), je vais remplir le rôle de l'avocat du diable.
    Dans ta description de cette société, et comme tu le dis toi-même, on trouve des traits contradictoires ; certains appartiennent au monde I (le service de la fiancée), d'autres au monde II (l'esclavage) ; il vient évidemment immédiatement à l'esprit l'idée d'une transition du monde I au monde II, avec des particularités dues à l'aspect "enclavage" de ce peuple (pêche avec des filets fournis par les Russes, …).
    Le très peu de navigation que j'ai pu faire m'a suggéré que les Yakughir avaient, autrefois, été un peuple de chasseurs et qu'ils n'étaient devenus éleveurs que plus tard, peut-être sous l'influence des peuples éleveurs alentour (et la moindre quantité de gibier due à la restriction de leur aire de chasse). Leur rapport avec le renne me fait d'ailleurs pencher vers cette hypothèse ; cet animal semble ne servir que d'animal de trait : ni pour le mariage, ni pour le wergeld et même pas comme aliment (!). [ Les Indiens des plaines, chasseurs éleveurs utilisent les chevaux dans le mariage, le wergeld, etc.]. Dans ces conditions, le "service pour la fiancée" n'est qu'une persistance d'un état disparu (et, par ailleurs des éléments de "paiement" en rennes semblent apparaître).
    Le problème du partage du gibier ne me semble pas très clair. La citation que tu fais (tirée de la page 124) énonce que le gibier est réparti "équitablement" par le maître-chasseur du clan. Mais qui est donc ce personnage ? Ce n'est manifestement pas le chasseur. Mon hypothèse est qu'il s'agit du chef du clan. Si c'est bien le cas, alors chacun des chasseurs du clan donne le produit de sa chasse au chef du clan qui le redistribue équitablement à ses membres. Si c'est bien cela, il n'est pas question de collectivisme,… ou alors de ce qu'on entendait par ce terme en URSS ou en Chine à la "belle époque".
    La question de l'esclavage est sérieuse. Néanmoins, je n'arrive à voir ni ce que faisaient réellement ces esclaves (mâles) ni d'où ils venaient. S'il s'agit d'un esclavage externe (prisonniers de guerre), comme c'est très probable, d'où viennent ces esclaves alors que tu dis que "cette société semble avoir été assez peu conflictuelle". S'agit-il d'un phénomène ancien ? Le sait-on ?
    Toute cette société était en déliquescence à l'époque même où Jochelson écrivait. Que peut-on en dire avec un minimum de certitudes ? Bien sûr, ce cas, s'il ne remet pas en question fondamentalement les analyses d'Alain Testart, reste dans un coin du cerveau et ça gratte, ça gratte…

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    1. Bonjour Anonyme !

      On est bien d'accord, il y a dans ce billet plus de questions que de certitudes. Je suis convaincu que Testart a posé des bases saines avec sa classification, mais je suis tout aussi convaincu qu'on gagnera beaucoup à la pousser dans ses retranchements, à s'intéresser aux bizarreries, aux exceptions, bref, à tout ce qui rentre mal dans les cases.

      L'ancienneté de l'élevage des rennes par les Yukaghirs est discutée amplement par Jochelson. Je n'ai personnellement aucune compétence pour juger de son opinion, mais lui considère qu'il s'agit d'une activité qui remonte très loin. Je crois, tout simplement, que les Yukaghir sont des éleveurs-chasseurs en raison de leur environnement : il y a trop peu de végétaux pour entretenir des troupeaux nombreux. Le renne sert donc au transport, et la chasse (et la pêche) assurent l'alimentation.

      En ce qui concerne la répartition, la citation peut effectivement susciter l'ambiguité ; mais en la relisant attentivement, le doute n'est pas permis. Ce sont bien tous les chasseurs (« ils ») qui n'ont pas de droit sur le produit de leur chasse. Et le maître-chasseur (qui n'est pas le chef, mais un personnage éminent du clan, après le chef proprement dit, le chaman et le maître guerrier) n'a aucun droit particulier dans ce partage (sa femme y participe, mais le partage, égalitaire, est dirigé par la femme du chef). Ce n'est donc pas du tout une redistribution (dont, je ne connais pas de véritable exemple dans les sociétés primitives).

      Enfin, les esclaves, selon le texte, sont clairement des captifs. Les Yukaghirs apparaissent comme assez pacifiques entre eux (d'où le peu d'information sur les vengeances, le wergeld, etc.), mais les relations avec les tribus voisines ne l'étaient pas particulièrement. Là encore, pas d'indication sur l'ancienneté, mais rien ne laisse supposer qu'il s'agisse d'un phénomène récent (contrairement aux pratiques liées au commerce de la fourrure, ou à l'achat des matières premières pour les filets de pêche).



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