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Insaisissable richesse – suite (et fin ?)

Je me rends compte après coup de l'ambiguité introduite par la date de publication de ce billet, en plus de l'illustration choisie. Finalement, cela m'arrange : si on me montre que j'ai une fois de plus avancé une hypothèse brinquebalante, je pourrai toujours dire que c'était une blague.
Comme je le redoutais, mon billet précédent, qui tentait de donner une définition formelle d'une société à richesse, a suscité une discussion nourrie, en particulier avec le redouté BB, qui a montré les limites de la solution proposée. Tout cela est d'autant plus déroutant qu'on a le sentiment, depuis longtemps, d'être près du but, de sentir intuitivement de quoi il retourne, sans jamais parvenir une formulation juste, qui n'exclut ni n'inclut indûment certains cas ethnographiques. Ironie suprême, l'exemple qui cristallise les difficultés – celui des Inuits côtiers de l'Alaska – est peut-être celui où la richesse primitive ressemble le plus à la nôtre, puisque le fondement de la puissance sociale des riches se situe dans la possession d'un moyen de production produit (la baleinière). De là à penser que c'est lorsqu'elle paraît le plus à portée de main que la richesse se laisse le moins attraper... Quoi qu'il en soit, comme je ne renonce pas aussi facilement à résoudre un problème aussi important, j'avance ici une nouvelle proposition.
Reprenons donc. La problématique de la richesse renvoie à l'intuition qu'il existe deux très grandes catégories de sociétés. Dans les unes (le monde I d'Alain Testart), les biens comptent peu, ou pas du tout, dans les rapports sociaux : ceux-ci se tissent directement, sans passer par l'intermédiaire de la propriété sur des choses. Dans les sociétés à richesse, en revanche, les biens constituent un enjeu social. Selon les mots d'Alain Testart utilement rappelés par BB, leur détention est « socialement utile ». Que faut-il entendre par là au juste ? Que recouvre précisément cette « utilité sociale » nouvelle ? Voilà ce qu'il s'agit de cerner avec davantage de précision.
Ma première solution, couchée par écrit dans les pages de L'Homme, abordait la question par les effets sociaux de la richesse – le fait qu'elle produise une domination, de fait ou de droit. La seconde solution, publiée sur ce blog il y a quelques jours, s'attachait aux formes juridiques sous lesquelles des biens, dans une société donnée, pouvaient être convertis. Après réflexion (et discussion), chacune de ces deux approches contient un morceau de la solution, sans parvenir à la cerner de manière satisfaisante. Pour le dire le plus succinctement possible : la richesse n'est réductible ni aux effets de dominations qu'elle engendre, ni aux dimensions juridiques liées à l'exigibilité des biens.
Tentons donc de reprendre, une fois encore. La richesse se caractérise par l'existence de relations entre la sphère des biens et celle des rapports sociaux, qui rendent en quelque sorte les premiers « convertibles » dans les seconds. Autrement dit, elle se caractérise par le fait que les rapports sociaux passent par les biens – c'est-à-dire que le transfert de propriété sur des biens en constitue un élément déterminant, une condition nécessaire (même si, au besoin, non suffisante). Ceci exclut évidemment le cas presque tautologique de l'échange de biens, puisqu'en l'occurrence, c'est par définition que le rapport social entre les échangistes naît du transfert de propriété. En d'autres termes, dans l'échange de biens, les droits sur les biens ne sont connectés qu'aux droits sur d'autres biens. Or ce qui est significatif de la richesse, ce sont les connexions des droits sur les biens à d'autres types de droits (ou de rapports sociaux non formalisés juridiquement). Je me risque donc à une nouvelle définition :
Définition : Une société est dite à richesse si l'instauration, la perpétuation, la dissolution ou le transfert de certains rapports sociaux, en dehors de celui qui naît de l'échange de biens lui-même, implique le transfert de biens d'une valeur économique significative.
Premier point : ce cas inclut les situations sur lesquelles je me focalisais dans mon billet précédent, où le transfert de biens est juridiquement exigible, mais il ne s'y limite pas. La relation entre l'Umialiq et son équipage, qu'elle soit formalisée sous forme de transferts exigibles ou qu'elle reste un flux non spécifié de dons (admettons un certain flou à ce sujet dans les descriptions ethnographiques), rentre dans le périmètre de cette définition : quoi qu'il en soit, un Umialiq qui ne donnerait pas leur part aux autres pêcheurs (ou qui leur donnerait une part insuffisante) serait rapidement déserté.
Deuxième point : cette définition exclut bien les situations s'apparentant au « partage sollicité » (demand sharing). Je ne suis pas assez qualifié pour savoir si, comme le suggère Nicolas Peterson dans l'article qui a inauguré cette expression, ces coutumes s'appliquaient indifféremment entre membres du groupe local ou si, comme me l'a affirmé un jour Laurent Dousset, elles n'intervenaient qu'entre certaines positions de parenté. Dans ce dernier cas, elles rappelleraient la possibilité, observée en divers lieux, pour un jeune de s'approprier, par exemple, n'importe quelle possession de son oncle maternel. Toujours est-il que si ce rapport social donne effectivement lieu à un transfert de propriété, ou qu'il lui ouvre la porte, il n'est pas conditionné par lui. Que le solliciteur potentiel ou le neveu cesse de réclamer ce à quoi la coutume lui donne droit, il n'en restera pas moins solliciteur potentiel ou neveu, de même que son vis-à-vis restera son sollicité potentiel ou oncle. De plus, ces rapports ne peuvent être ni noués, ni déliés – a fortiori, contre un paiement.
Si la définition proposée ci-dessus s'avère aussi robuste que je l'espère, elle se décline ensuite en une double distinction :
  • entre les sociétés où certains rapports sociaux dans lesquels intervient la richesse relèvent de transferts de biens exigibles et celles où ne règneraient que des transactions informelles (ce cas théorique étant peut-être exemplifié par les Tareumiut)
  • entre les sociétés où certains des rapports relevant de la richesse concernent (entre autres) des droits ou des obligations sur des personnes (prix de la fiancée, wergild, amendes, etc.) et celles où les rapports relevant de la richesse sont purement économiques (prêt à intérêt, salariat), comme c'est là aussi peut-être le cas chez les Tareumiut et, plus généralement, dans les sociétés que j'appelais de type S. J'insiste une fois de plus sur le fait que l'erreur majeure d'A. Testart est d'avoir restreint la définition de la richesse à l'acquisition de droits (directs) sur les personnes, voire aux formes plus spécifiques que sont le prix de la fiancée et le wergild.
On notera que pour qu'on puisse parler de richesse, il est précisé que les biens transférés doivent posséder une valeur économique significative. Dans les sociétés sans richesse, il existe en effet certaines occasions où l'on doit fournir des « cadeaux » symboliques (les token des anglophones), pour conclure par exemple une paix ou un mariage. Ces cadeaux sont nécessaires : refuser de les verser compromettrait totalement l'affaire. Pour autant, ce qui compte, c'est la bonne volonté qu'ils affichent et non leur valeur intrinsèque, c'est-à-dire l'investissement qu'ils représentent en travail.
Il va de soi que, comme toute définition, celle-ci comporte à ses marges une zone d'indétermination, et que l'on peut identifier des sociétés-pas-tout-à-fait-sans-richesse (ou, si l'on préfère, pas-vraiment-avec-richesse). Je pense, par exemple, au Nord de l'Australie, où l'on trouve d'une part une esquisse de wergild, d'autre part des droits liés à la possession du moyen de production : chez les Murngin, le propriétaire d'une lance préside à la distribution du gibier tué par cette lance, même s'il n'est pas lui-même le chasseur ; au Cap York, le propriétaire de la pirogue reçoit en tant que tel une part de la pêche. Mais, ce qui à mon sens constitue le point de bascule, n'est pas franchi : ni dans le cas du quasi-wergild, ni dans celui de la part du propriétaire, ce transfert de biens ne constitue un aspect déterminant d'un rapport social. Le premier ne suffit pas à éteindre une vengeance, ni le second à enclencher un rapport de clientélisme / dépendance économique, comme cela se produit chez les Inupiat – personne d'ailleurs, significativement, n'a jamais parlé de riches et de pauvres, pas plus que de Big Men, pour le nord de l'Australie.
À vos claviers...

38 commentaires:

  1. C’est peut-être une piste intéressante, il faut y réfléchir. Quelque chose me gêne, mais à chaud je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Néanmoins, déjà une question : quel est, selon toi, le rapport social dont l’instauration, la perpétuation, la dissolution ou le transfert serait conditionné par le wergeld ? Parce que comme ça, je ne vois pas…

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    1. Sur la question du Wergeld, je ne fais que suivre Testart de la manière la plus stricte : c'est un rachat – celui du droit des lésés de se venger. Donc, le paiement du wergeld éteint bien le rapport consistant dans le droit pour un groupe de prendre la vie de quelqu'un. D'une manière similaire, le paiement d'un dommage, lui aussi, rentre dans la définition, dans la mesure où il éteint la dette née d'une faute. Le transfert de biens induit bien un « changement d'état » du rapport social entre coupable et victimes.

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    2. J'ajoute que le seul point qui le chagrine dans cette définition, c'est qu'elle n'inclut pas l'impôt – si on parle d'un versement en biens, et non d'une corvée en travail. Je ne sais pas si c'est vraiment problématique : on peut imaginer que les seules sociétés où l'Etat taxe ses contributeurs sous forme de biens sont nécessairement des sociétés à richesse. Mais je n'ai pas trouvé comment faire rentrer ce cas de figure sans en faire rentrer d'autres dont je ne voulais pas, à commencer par le demand sharing.

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    3. Je te rejoins complètement sur l’impôt : je me suis fait la même réflexion. Pour l’instant, ce n’est pas trop ce qui me gêne, mais je n’arrive toujours pas à savoir si c’est sur le fond ou sur la formulation que je bute. Je suis en train de relire Testart « Échanges marchands, échanges non marchands », parce que j’avais le souvenir qu’il y avait des idées assez proches. Effectivement, c’est le cas. Mais ça ne va pas non plus. Peut-être qu’en mettant les deux en parallèle, ça va m’inspirer…
      Il y a quand même aussi le problème de l’esclave : si l’on admet que c’est bien une richesse, le rapport de dépendance n’est pas conditionné par le transfert de biens…

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    4. Le rapport lui-même non, mais son transfert, oui. On peut acheter et vendre les esclaves. Justement, l'esclave, c'est le cas typique que Testart inclut quand il dit que dans le monde II, la richesse sert à acquérir les droits sur les personnes, puis qui disparaît quand il formule le critère en ne parlant plus que du prix de la fiancée, du wergild et des amendes.
      Au passage, dans la mesure où ma définition mentionne l'instauration ou la cessation du rapport social, je me demande si la mention concernant le transfert n'est pas superflue.

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    5. Oui, mais justement, ce qui se transfère dans le cas de l’achat/vente d’un esclave, c’est la propriété, ce n’est pas le rapport de dépendance (ce rapport est statutaire) ! D’autre part, il y a une partie des esclaves (et sans doute la majorité lorsqu’il n’y a pas de trafic) qui ont été mis en état d’esclavage à l’occasion de guerres et pour lesquels il n’y aura pas de transfert. Le problème de l’esclave, c’est justement que lui-même est un bien et fonctionne comme un bien, ce pour quoi il coince à tous les étages.

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    6. C'est là où à mon avis, il est facile de s'embrouiller (et que je ne me suis pas privé de le faire moi-même avant que la lumière se fasse peu à peu).
      1. Que le rapport d'esclavage en lui-même, tel qu'il existe dans une société donnée, soit statutaire, c'est incontestable. Mais ce rapport s’incarne de manière concrète : untel est propriétaire de untel. Et ce rapport-là, non en tant que définition générale, mais en tant que lien qui unit deux individus, est bel et bien transférable contre un paiement.
      2. Au passage, c'est la même chose quand on raisonne sur le mariage. On pourrait très bien dire que le rapport du père à la fille et du mari et à la femme sont statutaires, que le mariage ne crée ni ne dissous rien, en ne faisant que transférer des droits, et donc que le prix de la fiancée n’entre pas dans ma définition de la richesse. Mais là aussi, l'erreur consiste à confondre ces rapports en général (en tant que norme juridique, si l'on veut) et la manière dont va s'instaurer ou se défaire un rapport donné entre X et Y.
      3. Je crois que l'idée que l'esclave est un bien est à la fois une des plus répandues et une des plus fausses si on veut y retrouver ses petits. En fait l'esclave est « comme » un bien, parce que les droits qu'un maître a sur lui sont sans limite ou presque, tout comme ceux qu'un propriétaire possède sur un objet. Il n'empêche, si on sent qu’un élément essentiel des structures sociales se joue autour du rôle des biens (les vrais), il faut absolument se défaire de l'idée que l'esclavagisme serait un phénomène du même ordre que la propriété des biens. Testart, d'ailleurs, avait bien senti que le monde II, en bonne partie au moins, est celui où les biens se mettent à permettre d’acquérir des droits sur des humains, et parmi ces droits il mettait l'esclavage. Ce n’est qu’en formulant son critère que l'esclavage était évacué et qu'on se retrouvait uniquement avec le mariage et la justice.
      4. Le fait qu'une majeure partie des esclaves vienne de la capture ne contredit pas ma définition. La question est : ces esclaves peuvent-ils être (re)vendus ? Si oui, ce sont des richesses, exactement comme des biens qu'on aurait pillés... ou des droits qu'on détient sur ses filles et qui rapporteront un prix de la fiancée.

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    7. Là, permets-moi de ne pas te suivre :
      Sur la question de l’esclave en tant que bien, je crois que c’est moins tranché que tu le dis. D’abord, l’esclave est possédé, aliénable et transmissible (on peut rajouter : et destructible, on peut le tuer), tout comme n’importe quel bien. Mais, plus encore, il est considéré juridiquement comme bien dans nombre de sociétés (en droit romain et en droit français, par exemple, c’est un bien meuble). Je suis bien d’accord que parmi les caractéristiques du monde II, il y a le fait que l’on puisse transformer un humain en esclave (why ?), mais ledit humain n’est en rien différent d’un chien, d’un cheval ou de toute autre bestiole familière (en passant, les trois cités sont interchangeables dans l’accompagnement).
      Pour le rapport du père à la fille, évidemment qu’il est statutaire ! Après le mariage, le père reste le père, la parenté reste la même, et en aucun cas ce n’est le rapport social père-fille qui est transféré par le mariage.
      Cela se traduit par une énorme différence entre le prix de la fiancée et l’achat d’un esclave : le premier est un échange non marchand, le second est un échange marchand (cf. le papier de Testart cité au-dessus).
      Pour l’instant, je maintiens donc que l’esclave ne rentre pas dans ta définition (après, on peut toujours réfléchir pour voir si c’est un problème ou pas, mais ce n’est pas trivial).

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    8. Je crois que la question de l'échange marchand ou non n'est pas celle qui nous occupe ici et qu'en mobilisant cette dimension, on ne fait que s'ajouter des complications inutiles. Le problème de fond est : aux yeux du droit, les esclaves sont des objets. C'est incontestable, mais en l'occurrence, les yeux du droit sont-ils les seuls possibles et surtout les plus pertinents ? Encore une fois, les esclaves sont juridiquement des objets, dans la mesure où les droits qu'on détient sur eux sont peu prou ceux qu'on détient sur un objet. Mais le point de vue du droit n'est ni le seul, ni en l'occurrence le plus judicieux. Tout simplement, objectivement, l'esclave est-il un être humain, oui ou non ? Et par conséquent, les droits qu'on détient sur lui sont-ils des droits sur un objet, ou sur une personne ?

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    9. Bien sûr, ce sont des droits sur une personne ; ce n'est pas là que ça coince, mais dans le fait que l'état de dépendance n'est pas du tout conditionné par des transferts de biens.

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    10. Mais si, dans la mesure où l'esclave peut être acheté ou vendu. Encore une fois – et peut-être est-ce dû à un défaut de ma formulation – il y a confusion (ambiguité ?) entre la proposition « Bidule est un esclave » et la proposition « Bidule est l'esclave de Machin ». On est d'accord (je crois !), la première proposition ne ressort pas de la richesse, à moins qu'on parle de l'esclave pour dettes. Mais la seconde, elle, est potentiellement conditionnée par des transfert des biens, encore une fois, dans la mesure où l'esclave peut être acheté et vendu. Et c'est ce deuxième sens qui était concerné par ma définition.

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    11. Oui, l’esclave peut être acheté, vendu, ou même troqué ou donné, pourquoi pas. Mais ce n’est qu’un transfert de propriété, pas un transfert de rapport social. La différence avec le prix de la fiancée, le don des Tareumiut, les amendes, c’est que dans ces cas-là tu conditionnes le rapport social entre A et B par un transfert de biens entre A et B, tandis que ce n’est pas du tout ça pour l’esclave. Si A vend un esclave à B, ça ne modifie en rien le rapport social entre les deux. L’esclave était dépendant de A, il l’est maintenant de B, mais ça n’a rien à voir avec les cas précédents.
      En fait, je pense que le piège c’est de parler de transfert de rapports sociaux dans la définition : je crois que c’est faux, parce qu’en réalité ce sont des droits qui peuvent être transférés, mais pas des rapports sociaux. En y réfléchissant bien, d’ailleurs, comment veux-tu transmettre un rapport social ? Pour le PDF, il y a transmissions de droits sur la fille et sur ses futurs enfants par le père, ce sont ces droits qui sont payés, et ce transfert crée un rapport social (plusieurs en fait), il n’en transfère aucun. Pour l’esclave, tu transfères un droit de propriété, mais ça ne crée rien du tout.

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    12. Il me semble que le cas que tu décris rentre pourtant bien dans la définition de Christophe. Même si le rapport entre les échangistes ([esclave] contre [bien]) n'entraîne pas de rapport entre eux autre que l'échange, l'acquisition de ce rapport (maître/esclave) peut passer par l'argent. Je ne crois pas que Christophe entende que cela doive toujours passer par l'argent, mais que c'est - dans ces sociétés à richesse - une possibilité.

      Ce qui amène aussi à dire qu'un esclave qui ne pourrait être acheté, mais seulement offert, n'est pas un bien ; et qu'une société esclavagiste sans possibilité d'acheter des esclaves est sans richesse. De ce point de vue au moins. Après, on peut toujours imaginer que la richesse soit un élément fondamentale d'autre rapports sociaux dans cette même société ; et que la production de ces richesses soit une motivation à la capture d'esclave. Je sens que quelqu'un va devoir se dévouer pour passer en revue tout les types d'esclavage existant...

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    13. Quelques précisions :
      1. Je n'emploie pas le terme de monnaie ou d'argent. J'en reste à l'idée générale des (droits sur les) biens – qui, répétons-le à la suite de Testart, sont par définition des choses et non des (droits sur les) personnes. Autrement dit, l'esclave peut être un bien du point de vue des catégories juridiques, il ne l'est pas du point de vue du raisonnement anthropologique.
      2. La question n'est pas, stricto sensu, qu'il y ait ou non échange, mais qu'il y ait échange de biens. Si A est l'esclave de B, que peut faire B de lui s'il souhaite rompre ce lien - et donc, modifier leur rapport social ? S'il ne peut que le donner, ou l'échanger contre un autre esclave (ou quoi que ce soit du genre), alors l'esclave n'est ici pas une richesse. Mais si l'esclave peut être vendu ou si on lui permet de racheter sa liberté, c'est-à-dire que si le rapport social entre A et B se modifie à condition que C ou A transfère à B un certain nombre de biens, alors l'esclave est une richesse. Et j'insiste, la vente de l'esclave contre des biens ne constitue pas un échange de biens, même si le point de vue juridique nous induit à tort à penser le contraire : elle représente l'échange de droits sur des biens contre des droits (exorbitants) sur une personne.
      3. Sur la possibilité qu'existent dans la réalité des sociétés esclavagistes sans richesse (au sens de ma définition), je suis assez dubitatif. Cela dit, si je devais proposer un candidat, ce serait le cas étrange des Yuqui d'Amazonie – je vais d'ailleurs de ce pas poser la question à David Jabin.

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    14. Bon, manifestement nous divergeons…
      Pour le 1), si tu vas par là, je peux te répondre que, à la suite de Testart également, on est à peu près tous d’accord sur le fait que l’esclave est une richesse. Donc, tu as de la richesse qui n’est pas un bien ? Du coup, j’aimerais bien savoir comment tu concilies les deux propositions : A « Richesse = qui concerne des biens de valeur en dehors de ceux qui se rapportent aux humains » (Testart, « Éléments… » p. 33) et B « Esclave = richesse » (Testart, passim)… Par ailleurs, dans les « Éléments… » il y a une note qui te dit que les droits sur les personnes peuvent être de la richesse dans certaines conditions. Mais elle ne parle pas de l’esclave. Bref, si tu dis, comme Testart « Richesse = ensemble de biens » (sous cette forme p. 32) et « esclave = richesse », soit il faut considérer que l’esclave est un bien soit on a un sérieux problème du point de vue de ton raisonnement anthropologique.
      Du coup, pour le 2), quand tu admets que l’esclave est une richesse, mais que tu dis qu’il n’est pas un bien, tu t’en sors comment ? En fait, c’est quoi une richesse qui n’est pas un bien ? En passant, tu ne diras jamais que les ouvriers constituent de la richesse pour un patron (exemple de Testart dans sa note), ou que les femmes constituent de la richesse pour le mari, parce que ce ne sont pas des biens. Par contre les esclaves sont bien de la richesse pour le maître.
      Enfin, toujours pour le 2), je suis d’accord que c’est un échange de droits, mais je maintiens que ce n’est pas un transfert de rapport social.
      Et merci à Tanguy de se proposer pour passer les types d’esclavage en revue 🙃 !

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    15. Et pour répondre plus spécifiquement à BB : la question du droit, c'est justement celle par laquelle j'avais tenté d'attraper la réalité dans mon précédent billet, et où tu m'as convaincu que cela ne fonctionnait pas pour toutes les situations, en particulier pour les Tareumiut, où les transferts, de part et d'autre, ne semblent pas exigibles.
      Après, sur le fond, j'insiste une fois encore sur le fait que le mot « rapport social » possède deux sens : le sens général (1) et le sens concret, qui s'intéresse aux individus ou aux groupes précis concernés (2). Quand A vend son esclave E à B, le rapport de B à E est effectivement le même que celui de A à E. Au sens 1, le rapport social n'est donc pas modifié. Mais au sens 2, il l'est ! A n'a plus de droits sur E – ET DONC PLUS LE MÊME RAPPORT AVEC LUI – après la vente (même chose à l'envers pour B). Et c'est ce sens 2 que j'emploie dans ma définition.
      Je suis bien conscient de cette ambiguïté qu'introduit le terme de « rapport social », mais je n'en trouve pas de meilleur.

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    16. Là, cela commence à devenir compliqué non seulement à cause du fond, mais de la gestion des commentaires sous Blogger, où l'on ne sait plus très bien lequel répond auquel. Je réponds donc à celui situé un peu au-dessus, posté à 9h38 !
      – il y a deux discussions parallèles, mais différentes : qu'est-ce qu'une richesse, et qu'est-ce qu'une société à richesse socialement significative (dorénavant, j'ajouterai systématiquement cette précision, parce que sinon, on se paume dans ce monde I de sociétés sans richesse où il existe néanmoins une forme élémentaire de richesse).
      – j'ai écrit dans un billet précédent, et je le maintiens, que la richesse est constituée des biens pouvant être convertis en d'autres biens, ainsi, par extension, que des droits sur les personnes pouvant être convertis en biens. L'épouse que l'on ne peut pas revendre n'est pas une richesse, l'épouse que l'on peut revendre en est une. C'est la même chose pour l'esclave, il n'y a aucun souci avec cela. À partir du moment où les droits sur les personnes sont convertibles en droits sur les biens, les personnes concernées sont « comme des biens » du point de vue juridique ou économique, mais elles ne sont pas des biens. Et si l'ouvrier n'est pas une richesse pour le patron, ou la femme contemporaine pour son mari, c'est aussi parce que le patron ne peut pas revendre ses ouvriers, ni le mari sa femme. Où est le souci ?
      Pour en revenir à Testart, sur l'esclave, il a tout de même un problème, parce qu'il écrit en même temps que l'esclave est la richesse par excellence, tout en excluant complètement l'esclavage de son critère du monde II. Donc, quand on pousse ses définitions dans leurs retranchements, comme nous le faisons ici, elles ont un problème.
      J'insiste, à mes yeux, ma dernière proposition fonctionne bien, le point le plus emmerdant restant ce double sens de « rapport social » qu'il faudrait arriver à lever sans que je voie comment.

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    17. — Je suis d’accord avec toi, parler de société « avec richesse » ou « sans richesse » est ambivalent, parce que, effectivement, il faudrait préciser à chaque fois « richesse socialement utile (ou significative) ». Disons qu’entre nous on se comprend, mais que quand on sort de notre petit cercle, c’est une source de bordel.
      — Pas de problème non plus sur richesse = biens ou droits pouvant être convertis en d’autres biens. Néanmoins, pour moi, dire que des personnes ne peuvent pas être des biens relève d’un a priori, parce que je ne vois pas d’autre raison objective à cela. Si tu peux vendre un esclave de la même manière que tu peux vendre une vache (il y a des marchés aux esclaves comme il y a des marchés à bestiaux), qu’est-ce qui légitime que tu puisses dire que la vache est un bien, mais pas l’esclave ? Tu vendrais la vache (et non les droits sur la vache), mais tu vendrais les droits sur l’esclave (et pas l’esclave lui-même) ? Pour quelle raison ? Sincèrement, c’est quoi l’argument pour affirmer que les personnes convertibles « sont comme des biens », mais ne sont pas des biens ? Parce que je ne vois pas vraiment…
      — Pour ce qui est du « rapport social », dans tous les cas tu fais référence à celui qui est créé ou annulé entre A et B, qui sont les personnes entre lesquels circulent les biens ou les droits… sauf pour l’esclave, pour lequel on n’étudie plus ce rapport-là, mais entre A/B et la personne transférée. À mon sens, c’est là que ça coince, parce que ce n’est pas du tout pareil : tu mets dans une même case des choses différentes. De fait, ce serait aussi le seul cas où il faudrait considérer que le rapport social est transféré, et je ne crois toujours pas à cette histoire de transfert de rapport social : un rapport social peut être créé, entretenu, s’achever, mais qu’il puisse être transféré ne me paraît pas avoir de sens (et je doute que quelqu’un qui vend un esclave considère qu’il vend un rapport social).
      — Tout ça fait que l’approche par les rapports sociaux me paraît une voie à creuser, au moins tant qu’on n’a pas complètement prouvé qu’elle aboutissait à une impasse, mais que pour l’instant elle soulève à mon avis des problèmes qu’il n’est pas possible d’ignorer.

      Bon, c’est pas tout ça, mais il faut que je bosse sur autre chose aujourd’hui ! Mais je garde ça sur la pile.

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    18. Je m'arrête sur ton point 2, parce que c'est un de ceux qui a le plus contribué à obscurcir la discussion et que, bien que cela crève les yeux (ou, va savoir, peut-être à cause de cela) je ne me rends compte que maintenant que, depuis le début, nous ne mettons pas les mêmes choses sous les mêmes mots.
      Dans ce que j'ai écrit, le terme de « biens » désigne des droits sur des objets, matériels ou immatériels, À L'EXCLUSION DE TOUT DROIT SUR UNE PERSONNE. Or, quand tu parles de biens, tu entends tout ce qui est susceptible d'être possédé, y compris donc des droits sur des personnes. D'où le dialogue de sourds à propos de l'esclave.
      Je suis tout prêt à reconnaître que mon choix terminologique n'était pas heureux (la preuve). En vérifiant dans le dictionnaire, je dois avouer que le sens admis est le sens général, que tu emploies, et non le sens restreint que j'avais en tête. Problème, je ne trouve aucun terme qui désigne clairement les droits sur les objets (matériels ou immatériels), tout en excluant les droits sur les personnes (autres que ceux découlant du transfert des droits sur les objets, tout ça est fichtrement pénible). Même « droits réels », je ne suis pas certain que cela colle – il me faudrait l'expertise d'un juriste, j'ai l'impression que là encore les esclaves viendraient me chercher noise.
      Je reformule donc ma définition :
      Une société est dite à richesse si l'instauration, la perpétuation ou la dissolution de certains rapports sociaux, exception faite de celui qui naît de l'échange de droits de propriété sur des objets, implique le transfert de droits de propriété sur des objets d'une valeur économique significative.

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  2. Un grand merci pour votre travail. Vous êtes quelqu’un de passionnant et on prend grand plaisir lire et vous écouter. J’ai découvert par hasard votre travail sur YouTube dans le cadre d’un exposé. Encore une un grand merci de la part d’un étudiant en physiologie du Nord. (C’est le 3eme commentaire que j’écris.. en espérant que celui ci se publie ^^’)

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    1. Vous avez eu tout à fait raison d'insister. Les compliments (et même, les flatteries) sont toujours les bienvenus !

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  3. J'avoue que je ne comprends pas pourquoi l'impôt pose problème avec cette définition. Pour qu'un État (ou quelque chose qui y ressemble) puisse jouer son rôle de perpétuation de certains rapports sociaux (comme le respect des lois), il a besoin de la contribution matérielle de certains de ses sujets ou administrés. L'impôt constitue par excellence cette contribution matérielle (même si ce n'est pas forcément la seule : service militaire ou civique obligatoire, par exemple).

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    1. Sauf que... Pour commencer, la contribution des sujets de l'Etat ne se fait pas nécessairement sous forme matérielle (un transfert de biens) : il peut s'agir d'une prestation en travail, à l'image de la corvée seigneuriale. Mais ensuite, et surtout, la définition stipule que le rapport social doit d'une manière ou d'une autre être tributaire d'un transfert de biens. Or, ce n'est pas le cas de l'impôt : a priori on ne devient pas citoyen parce qu'on paye l'impôt (c'est l'inverse !), on ne peut pas abandonner une citoyenneté en payant quelque chose, et celui qui ne paye pas ses impôts, me semble-t-il, n'est pas pour autant déchu de sa citoyenneté....

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    2. Pour le premier argument, je ne vois pas trop en quoi c'est un problème : certes, il existe des contributions obligatoires qui ne sont pas des transferts de biens (je le mentionnais d'ailleurs dans mon message), mais le transfert de biens semble bien la forme dominante de la contribution obligatoire dans beaucoup de sociétés à État.

      Pour le deuxième argument, il faut décortiquer un peu. « Le rapport social doit d'une manière ou d'une autre être tributaire d'un transfert de biens », dis-tu. Dans le cas de l'impôt, qu'est-ce que le « rapport social » ? Ce n'est pas le fait d'être « citoyen » comme le dit ta réponse, car des tas de sociétés ont pratiqué l'impôt sans qu'il y ait des citoyens, ou alors que ceux-ci étaient en nombre très réduit (et même aujourd'hui, on peut payer l'impôt sans être citoyen).

      Le rapport social qui est tributaire de l'impôt, c'est l'ensemble des choses qui sont garanties par l'action de l'État, comme le respect des lois, le fait que les ennemis soient repoussés à la frontière, voire des tas d'autres choses dans un État moderne (éducation publique des enfants, système public de santé, etc). Et là, on voit bien que s'il n'y a plus de contribution matérielle (par exemple sous forme d'impôt), alors l'action de l'État ne peut se maintenir.

      (je dis « État » pour simplifier : il s'agit de la puissance levant l'impôt en question)

      Certes, tous ceux qui sont tenus par le « rapport social » garanti par l'État ne paient pas forcément pas l'impôt, mais il n'en reste pas moins que ce rapport social est tributaire, au niveau global et non individuel, du paiement de l'impôt.

      Mais peut-être que par « tributaire » tu voulais dire quelque chose de plus restrictif, comme une sorte de convention directe entre personnes. Ce qui exclut alors les entités impersonnelles comme « l'État », « l'Église », etc.

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    3. « des tas de sociétés ont pratiqué l'impôt sans qu'il y ait des citoyens, ou alors que ceux-ci étaient en nombre très réduit (et même aujourd'hui, on peut payer l'impôt sans être citoyen). »
      Un point pour toi, j'ai manifestement écrit une bêtise. Non, je ne voulais surtout pas exclure les groupes ou les entités sociales du raisonnement, ce n'est pas du tout mon idée. Bon, cette affaire d'impôt, il faut que j'y repense, je n'ai pas de solution satisfaisante – d'autant plus que justement, je serais spontanément enclin à penser que des impôts exigés sous forme de biens sont constitutifs de la richesse.

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  4. Bonjour Christophe,

    J'essaye de suivre mais j'avoue être un peu perdu. J'ai certainement raté des étapes mais j'en étais resté au faite qu'une société à richesse est une société dans laquelle existe des richesses, c'est à dire où l'on produit des "biens d'une valeur économique significative", que tu avais fini par nommer des biens W, pour être le plus générale (comprenant des sociétés sans stockage si ma mémoire est bonne). Ensuite l'usage de ces biens W dans telle ou telle société peut prendre des formes bien différentes, prix de la fiancée, wergeld, esclaves (qui peuvent produire des biens W) ... Et pour moi cela constitue une autre problématique. Suis-je à coté du problème que tu (re)poses?

    Amicalement
    Thomas

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    1. Oui, un peu. Mais il faut dire que ce n'est pas facile à suivre, parce que la question est ardue, à tiroirs, et qu'en quelque sorte on « pinaille » en s'attachant au détails... parce qu'on sait que c'est là que se terre le diable. Pour le dire le plus succinctement possible : la question des biens W est celle du facteur qui fait basculer les sociétés vers la richesse. La question qui m'occupe ici est : qu'est-ce qu'une société à richesse ?

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  5. Je ne suis pas sûr encore de saisir la nuance. Pour toi une société qui produit des "biens d'une valeur économique significative" peut-elle ne pas être une société à richesse?

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    1. Je ne crois pas avoir défini les biens W comme « d'une valeur économique significative ». Je crois en fait que tu télescopes deux définitions, celle des biens W et celle des sociétés à richesse. Encore une fois (et là, je vais tenter de parler le langage des physiciens), il y a la question « qu'est-ce qui fait passer le système d'un état A à un état B ?», et celle, différente, « comment définit-on l'état B ? ».
      Est-ce plus clair ainsi ?

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    2. Tu as longuement traité des biens W ; "c'est le facteur qui déclenche le basculement des sociétés vers la richesse". Maintenant tu cherche à définir les sociétés à richesse. Comment peut-on passer d'un état A à un état B avant d'avoir défini l'état B ? Où est la charrue, où est le boeuf ?

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    3. Disons que j'avance en prenant le problème par différents bouts, et qu'à un moment donné, je ne soupçonne pas encore les difficultés que je ne découvre que plus tard !
      En l'occurrence, j'avais admis la définition de Testart, selon laquelle la marque de la bascule vers le monde II sont les paiements (de mariage). L'hypothèse des biens W est donc, stricto sensu, une hypothèse sur le facteur causal du basculement du service vers le paiement. Si je parviens à mieux définir la richesse, en particulier, en intégrant le fait que la voie des paiements n'est pas la seule possible, alors il faudra bien entendu revenir sur la question du facteur causal.

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  6. Oui et non. Car si tu n'as pas défini les biens W comme « des biens d'une valeur économique significative », cela n'en était pas loin pour moi: tu as dû parler d'une quantité de travail importante pour fabriquer ces biens. Je fais peut-être là aussi une confusion. Sinon pour poursuivre ce langage de "physicien" (je te remercie ;)), pour moi la question se posait alors en ces termes ci: il n'y a pas d'élément W dans A (ce qui donne alors quelques propriétés particulière de A), il y a des éléments W dans B (ce qui confère d'autres propriétés à B). Je m'égare davantage ?

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    1. Pas bien sûr de te suivre... J'essaye de reformuler ce qui me tracasse (deux problèmes liés mais distincts) :
      1. Qu'est-ce que la richesse, et comment définir la manière dont elle marque les sociétés ? Par l'inégalité des biens matériels possédés (réponse traditionnelle) ? Par la présence du prix de la fiancée et du wergild (réponse Testart) ? Autrement (ce billet et les précédents sur le sujet) ?
      2. Quel est le facteur qui déclenche le basculement des sociétés vers la richesse ? L'agriculture (réponse classique) ? Les stocks (réponse Testart) ? Les biens W ? (réponse ma pomme) ?
      Et question subsidiaire, comment relier les deux ? Comment et pourquoi l'existence de l'agriculture / de stocks / de biens W fait qu'on se met (par exemple) à payer pour se marier ou pour éteindre une vengeance ?

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  7. Cela fuse dans tous les recoins de ce blog :)

    Je rejoins Momo, j'ai effectivement un souci avec ta façon de poser la charrue et le bœuf, une espèce de problème d'autoréférence. En fait, je voulais dire que pour moi le problème se présenterais de façon beaucoup plus simple (et a priori trop simple à tes yeux semble-il) :

    - D'abord définir la richesse au sens de biens matériels, indépendamment des usages sociaux particuliers qui peuvent en être fait. Et en te lisant régulièrement je m'étais fait à l'idée que cela devrait pouvoir correspondre à toute forme accumulée de travail socialement utile (stockage, bien W, bien d'une valeur économique significative).

    - Les sociétés dans lesquelles aucune accumulation significative ne se fait, sont des sociétés dites sans richesse, et les autres sont dites à richesse.

    - Ensuite, la question de comment la richesse marque les sociétés ne serait pas une question de définition mais d'observations (inégalités des biens matériels possédés, présence du prix de la fiancée et du wergild, achat/vente d'esclave, forme matériel de l'impôt ...), à comprendre selon les cas, une question de comment la richesse se déploie dans un contexte donnée. Concrètement, comment l'introduction de biens matériels nouveaux (d'une valeur économique significative), modifie en profondeur les rapport sociaux?

    - Ne se pose pas ainsi la question du facteur causale (qui ne serait pas la richesse elle-même) pour basculer du monde I au monde II.

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    1. Oui cela fuse, mais cela m'est très utile pour réfléchir et tenter d'améliorer les raisonnements. J'ai l'impression (mais peut-être que je me trompe) que ta démarche rebat peu ou prou les éléments dont je discute dans un ordre différent, mais qu'au bout du compte, on retombe tout de même à peu près au même endroit (et donc, sur les mêmes questions sans réponse, ou aux réponses insatisfaisantes). Un point de vocabulaire important toutefois : je préfère m'en tenir à l'usage consistant à réserver le mot de « richesse » à certaines relations sociales et, pour parler d'une réalité plus neutre et plus générale, à parler de « production matérielle ».
      C'est le même problème quand des gens parlent de « capital » à propos des moyens de production de tous lieux et de toutes époques. Mais si un moulin, un champ ou une hache sont des moyen de production par essence, ils ne sont un capital uniquement lorsqu'ils jouent un certain rôle social - en l'occurrence, celui de transmettre et d'augmenter de la valeur marchande.

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  8. Ah je comprends mieux! Donc la richesse en tant que rapport social aussi. Merci pour cette précision. Car lorsque tu as rappelé la double question: "Qu'est-ce que la richesse, et comment définir la manière dont elle marque les sociétés ?" j'ai naïvement compris que la notion de rapports sociaux particuliers ne concernait que la deuxième question, et non aussi la définition même de la richesse.

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    1. En fait, c'est ce que j'avais expliqué en faisant la différence entre ressource et richesse, dans je ne sais plus quel texte. Le problème, c'est que pour l'instant, j'avance pas à pas, en m'apercevant au fur et à mesure de ce qui est solide et de ce qui doit être reformulé, voire abandonné. Résultat, tout cela ne se présente pas sous la forme d'un raisonnement groupé et cohérent, qui ferait à peu près le tour de la question. Mais je ne désespère pas d'y arriver !

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  9. Ca fuse en effet de tous les côtés, et le schmilblick avance tout de même un peu...C'est passionnant de voir la science en train de se construire.Je pose mon grain de sel:maintenant que le problème est dégrossi, j'ai l'impression qu'il serait utile de changer de point de vue,de la manière dont François Jullien a pu le faire. En pensant non en termes d'état d'un objet, mais en termes de processus: les sociétés sont des objets historiques, et ce que nous en percevons n' est qu'une image figée prise à un moment de leur évolution. Ce que disait C.Darmangeat , à savoir qu'il y avait peut-être plusieurs voies possibles d'évolution à partir d'un état similaire m'a conduit à penser que l'étude de ces processus dans les sociétés dont l'histoire et les transformations sont connues ,ainsi que dans celles contemporaines qui évoluent sous nos yeux pourrait articuler ces états( toujours provisoires),pour en dégager d'éventuels invariants (ou pas!),avec peut-être des évolutions qu'on appelle " en mosaïque " en biologie, donc pas forcément avec des relations directes de cause à effet. Je suis bien conscient que je ne peux énoncer que des généralités, n'étant pas du sérail...En gros, remplacer les " stocks" par des "fluxs".

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