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La richesse, encore et toujours

Pas (encore ?) découragé, je continue à courir après une définition satisfaisante de la richesse et du basculement des rapports sociaux qui lui est lié. Pour résumer les deux épisodes précédents (ici puis ) et les intenses discussions auxquelles ils ont donné lieu, mes tentatives se sont successivement heurtées à deux écueils :
  • le rôle de la richesse ne se limite pas à des mécanismes formels ; chez les Inuits de l'Alaska, par exemple, le riche tire bien sa prééminence sociale de ses possessions, mais ne possède manifestement aucun droit formalisé sur les autres membres du groupe.
  • les notions de droit communément utilisées ne permettent pas de distinguer de manière ferme les droits sur des humains des droits sur les objets ou les animaux. Un esclave, en particulier, est une « chose » juridique.
Je repars donc à l'assaut en tenant compte de ces deux éléments. Je présente d'avance mes excuses pour le fait que les paragraphes qui suivent reviennent parfois sur des notions déjà traitées dans les billets précédents ou, inversement, que certains développements utiles à la compréhension du débat ne soient pas répétés ; mes lecteurs (s'il en reste encore) comprendront que le blog est un espace pour réfléchir à voix haute, et qu'il est pour moi une sorte de brouillon avant un éventuel exposé structuré du raisonnement... si d'aventure celui-ci survit à l'examen critique !

1. La différence entre richesse et ressource

Commençons par rappeler la distinction nécessaire entre ressource et richesse. Toute richesse est une ressource, mais toute ressource n’est pas nécessairement une richesse. En d’autres termes, la richesse est un sous-ensemble des ressources.
Les ressources représentent l’ensemble des choses utiles, ou nécessaire, à un processus donné. On peut d’ailleurs parler de ressources hors du contexte social, par exemple à propos d’écologie, pour une espèce animale ou végétale. Le terme de richesse, lui aussi, peut revêtir un sens large (une terre riche, une riche idée), auquel cas il est synonyme d’abondance. Mais la richesse doit ici s’entendre dans un sens social et économique plus strict. La richesse est une ressource prise dans des relations sociales déterminées (on peut faire le parallèle avec la distinction entre moyen de production et capital : une scie est un moyen de production de planches quoi qu’il arrive, mais c’est seulement dans un contexte social déterminé qu’elle devient également un capital).
Quelles sont donc ces déterminations sociales qui font de la ressource une richesse ?
Premier point, la richesse n'est pas seulement une ressource (une « chose » dans le langage des juristes), c’est un bien, c'est-à-dire une chose sur laquelle on détient des droits.

2. Deux catégories de biens

Le problème, c'est qu'il est impossible de raisonner correctement si l'on s'en tient à ce niveau de généralité. Au sein des biens (donc des droits), il est impératif de procéder à certaines distinctions. Le problème, c'est que la principale d'entre elles ne recouvre pas des catégories communément admises, et qu'il n'existe donc aucun mot de vocabulaire qui lui corresponde.
Celle-ci porte, au sein des biens, sur la nature des choses que l'on possède, c'est-à-dire sur l'objet des droits – un point dont A. Testart avait parfaitement identifié l’importance, même s'il n'en avait pas tiré toutes les conséquences. Le raisonnement social doit en effet impérativement distinguer d'une part, les droits qui concernent sur des objets, matériels ou immatériels (scies, haches, arbres, colliers, porcs, mais aussi chants, danses, connaissances ésotériques, etc.), d'autre part, les droits qui portent sur des êtres humains.
Au premier abord, il n'y a là aucune espèce de difficulté. Tout étudiant en droit sait que cette distinction est reconnue de longue date, la première catégorie de droits regroupant des droits dits « réels » (de la res romaine, la chose qui n'est ni une personne, ni une action), la seconde les droits « personnels ». Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes juridique, si cet apparent consensus ne dissimulait deux chausse-trappes redoutables pour le raisonnement sociologique.
Un marché aux esclaves à Rome
La première est que dans certaines sociétés, les droits sur un individu peuvent être si étendus que cet individu perd virtuellement toute personnalité juridique : aux yeux de la loi, il devient un objet. Symétriquement, pour celui qui le possède, il ne fait guère de différence sur le plan économique qu’il soit un être humain, un animal ou un meuble. Ainsi, selon la logique juridique, les droits que l’on détient sur l’esclave (puisque c’est de lui qu’il s’agit) ne rentrent pas dans la catégorie des droits personnels, mais dans celle des droits réels.
Mais si, en toute logique, l'esclave peut être assimilé à une chose du point de vue du droit, chacun sait qu’en réalité, il n’en est pas une – le droit romain lui-même a d'ailleurs dû composer avec ce fait. Ce qui est cohérent du point de vue pratique du juriste (l’assimilation d’un être humain à une « chose ») représente une entrave majeure pour le raisonnement social, qui doit absolument préserver la distinction entre « vraies » choses et êtres humains juridiquement réduits au rang de choses. Ce point est d’autant plus piégeur qu’il n’existe aucun terme qui désigne les droits détenus sur les seules entités qui ne sont pas des êtres humains : le droit « réel » ne correspond à cet ensemble que dans les rares sociétés qui, comme la nôtre, proscrivent l’esclavage. C’est pourquoi, dans la suite de ce texte, j'utiliserai systématiquement le terme de « être humain » plutôt que celui de « personne », trop susceptible de variations selon la situation juridique. Autrement dit, si le droit peut considérer que l’esclave (ou l’individu frappé d’incapacité) n’est pas une « personne », il n’y a pas d’ambigüité sur le fait qu’il demeure un être humain.
Il est un second problème avec la distinction entre droits réels et personnels, qu'il faut relever même s'il est moins critique que le précédent. Les droits personnels évoqués par les manuels sont avant tout ceux du créancier sur le débiteur, et plus précisément les droits qui, chez nous, dérivent exclusivement du transfert de propriété sur des objets. Ceci conduit à une double erreur de perspective : dans les sociétés passées, en plus de l'esclavage, il existait bien d’autres droits sur les humains que le droit de créance. Ces droits, qu’ils constituent ou non de la richesse, y jouaient un rôle considérable. En les proscrivant (ne restent peu ou prou chez nous que les droits des parents sur les enfants), notre propre droit nous place à une fenêtre d'observation réductrice, qui nous pousse à une double erreur de perspective :
  • celle consistant à assimiler, pour l’essentiel, les droits personnels à ceux du créancier.
  • celle consistant à voir les créances comme dérivant exclusivement de transferts de biens matériels, alors que dans d’autres sociétés, une partie au moins des droits sur les personnes (autres que ceux du créancier) sont transférables et peuvent donner lieu à des obligations similaires à celles des transferts d’objets.
Cette distinction, au sein des biens (i.e., des droits sur les choses), selon la nature de l’objet du droit, qui ne recouvre donc pas la distinction traditionnelle entre droits réels et personnels, est la plus essentielle pour le raisonnement social sur la richesse. Il est cependant nécessaire d’en effectuer une deuxième, selon le type de droits concernés. Sans ignorer ce que ce terme peut avoir de problématique, il faut en effet prendre en compte la différence entre une propriété plus ou moins complète d’un bien, qui permet notamment de l’aliéner ou de le détruire, et des droits plus restreints, en particulier le droit d’usage. Tout cela dessine le tableau suivant (où les colonnes jouent un rôle beaucoup plus important que les lignes) :
 Biens (droits sur des choses)
 Droits sur objet
autre qu’un être humain
Droits sur des êtres humains
Propriété12
Autres droits (dont usage)34
Comme je le disais, un problème majeur, qui contribue beaucoup à entraver la réflexion, est qu’il n’existe aucun terme qui désigne sans ambiguïté certains sous-ensembles de ce tableau. En particulier, les « droits sur des objets autres qu’un être humain » (ensemble 1 + 3) ne peuvent être désignés autrement que par une longue et pénible périphrase. Faute de mieux, je propose par conséquent d’utiliser la notation mathématique correspondant à la négation : si l'on appelle H l’ensemble des droits pouvant exister, dans une société donnée, sur des êtres humains (2 + 4), l'ensemble qui regroupe les droits sur autre chose que les êtres humains s'écrit ¬H (non H). Quant au sous-ensemble 1, qui désigne, au sein de ¬H, ceux qui relèvent spécifiquement du droit de propriété, il sera noté P¬H.
Définition : est une richesse tout bien (tout droit) pouvant être converti en (échangé contre) des éléments de P¬H.
Au sein de l’ensemble des richesses, on distingue donc aisément deux sous-ensembles, qui regroupent respectivement les richesses qui sont elles-mêmes des P¬H, et celles qui n'en sont pas.

Forme élémentaire, ou minimale

La tombe « princière » de Varna
(Âge du cuivre)
Le premier cas de figure correspond au fait que certains objets, certains animaux, certaines chansons, puissent servir à acquérir d’autres objets, d’autres animaux, d’autres chansons. Il s'agit de la forme élémentaire, ou minimale, de la richesse, qui existe dans toutes les sociétés humaines. C'est la raison pour laquelle la dénomination choisie par A. Testart pour désigner certaines sociétés, de « monde sans richesse », n'est sans doute pas la plus heureuse qui soit. Je proposerais volontiers de parler plutôt de « monde à richesse minimale » (sur le modèle des « organisations politiques minimales » proposé par le même auteur), pour signifier que la richesse est présente, sans toutefois déterminer de manière significative les rapports sociaux. Toujours selon A. Testart, dans le monde I, la richesse n’est pas « socialement utile » (on pourrait aussi dire : « socialement efficiente »). Les choses sur lesquelles portent les droits P¬H sont utiles à la vie, mais n'interviennent pas comme des intermédiaires dans les rapports sociaux. La sphère des droits P¬H est en quelque sorte refermée sur elle-même.
À ce cloisonnement des biens P¬H correspond celui des biens H. Ceux-ci naissent et disparaissent, peuvent être transférés, et une bonne partie (sinon l’essentiel) du jeu social se noue autour de ces mouvements. Mais, comme je viens de le dire, ces mouvements n’impliquent pas ceux de P¬H. S'ils mettent en jeu quelque chose, ce ne peut être que le transfert inverse d’un autre droit H, généralement de même nature (par exemple, dans l'échange de sœurs) ou la fourniture d'un service / travail (service pour la fiancée).

Forme étendue, ou développée

On peut parler de forme étendue, ou développée, de la richesse, lorsque des biens P¬H sont convertibles soit en droits d’usage (en particulier temporaires), soit en droits H. Le premier cas de figure correspond au prêt à intérêt et, plus généralement, à diverses formes de rente. Le second correspond aux situations où la possession d'objets, d'animaux ou de savoirs ésotériques permet d'acquérir des biens H ou, inversement, de se libérer d'obligations personnelles (en particulier, dans le domaine judiciaire).
L’existence de telles formes exprime de manière directe l’efficience sociale de la richesse : si on les observe dans une société, alors cette société ne relève plus du monde I (mais inversement, l’efficience sociale de la richesse ne se limite pas à ces formes, une société peut relever du monde II / III sans que ce décloisonnement des divers types de biens y soit observé, et donc en l'absence de richesse étendue).

Sociétés à richesse socialement efficiente / utile

Définition : Une société est dite « à richesse socialement efficiente » (ou « à richesse socialement utile ») si l’instauration, la pérennisation, ou la dissolution de certains rapports sociaux – en-dehors de celui lié à l’échange de P¬H – nécessite le transfert d'un montant économiquement significatif de P¬H.
Cette définition peut également être formulée par sa contraposée :
Définition : une société est dite « à richesse minimale » si le seul rapport social dont l’instauration, la pérennisation ou la dissolution suppose le transfert de P¬H économiquement significatifs est celui lié à l’échange de P¬H.
En termes plus ordinaires : la richesse est socialement efficiente (et donc, socialement utile) lorsque les droits de propriété sur les biens ¬H deviennent un élément constitutif de la dynamique des rapports sociaux, en-dehors bien sûr de celui lié à l'échange de ces biens entre eux.

Commentaire 1 : des transferts « économiquement significatifs »

Un premier aspect est la notion de transferts « économiquement significatifs », déjà signalée dans un billet précédent : il faut en effet écarter les situations où quelques biens devaient être transférés à titre de gage de bonne volonté, mais où ces biens ne représentaient pas un investissement particulier. Il y a là, évidemment, une zone grise, d'indétermination, où dans certains cas on peut ne plus très bien savoir si les biens concernés sont encore des token symboliques, ou si le travail qu'ils incorporent ne peut plus être tenu pour négligeable.

Commentaire 2 : les deux modes d'efficience sociale de la richesse

La richesse peut exercer une efficience sociale selon deux modalités :
  1. celle, formelle, des rapports juridiques : les biens P¬H permettent dorénavant d’acquérir des droits sur les humains, ou d’acquitter une obligation pesant sur un humain (prix de la fiancée, amendes, wergild, esclavage). C’est la voie privilégiée par Testart (avec toutefois un traitement problématique de l’esclavage, évacué en cours de route de l’analyse).
  2. celle, informelle, des situations de fait (situations non prises en compte par A. Testart, celles des sociétés S) : en particulier, celles susceptibles d’entraîner à la fois une exploitation du travail d’autrui et une domination sociale.
    • la possession d’un moyen de production permet de nouer un rapport avec le travailleur qui assure au propriétaire de percevoir à ce titre une fraction du produit.
    • le prêt à intérêt, où la mise à disposition temporaire d’un droit d’usage s’effectue en échange du produit d’un travail de l’emprunteur.
Là encore, ce qui précède peut être formulé par la contraposée : une société du monde I (« à richesse minimale ») est une société dans laquelle :
  1. Les P¬H ne peuvent pas être utilisés pour acquérir des droits sur les humains [formulations alternatives : la sphère des P¬H échangeables n’est pas connectée à la sphère H / on ne peut acquérir des droits sur les humains qu'en cédant d’autres droits sur des humains (échange de sœurs), en fournissant un travail / des services (service pour la fiancée), ou en bénéficiant d'un transfert unilatéral (lévirat)].
  2. ET il n’existe ni concession d’un droit d’usage à titre onéreux, ni rémunération du propriétaire d’un moyen de production du fait de cette propriété.
Dans tous les cas, on peut résumer les choses en disant que la richesse est minimale, ou socialement inefficiente, lorsque les rapports sociaux se nouent de manière directe entre les êtres humains, et que le seul rapport social médiatisé par les droits sur les objets est celui lié à l'échange de droits sur des objets (le terme d'objet étant un peu approximatif, pour les raisons déjà expliquées). Inversement, la richesse est socialement efficiente lorsque les droits sur les objets deviennent d'une manière ou d'une autre le véhicule des rapports sociaux – autrement dit, lorsque d'une manière ou d'une autre, les rapports entre les êtres humains mettent en jeu des rapports entre êtres humains et objets (ou, du moins, qui apparaissent comme tels).

Remarque finale sur les Tareumiut

Les Tareumiut, ces Inuits du nord de l'Alaska, apparaissent comme un cas sans doute extrême de société ayant emprunté la voie informelle vers la richesse. Aucun rapport social ne semble impliquer un transfert significatif de P¬H : il n'existe chez eux ni prix de la fiancée, ni wergild, ni amendes. Il n'existe pas davantage de prêt à intérêt – on lit même chez Nelson qu'au sein des groupes, la limite entre prêt et don pur et simple était loin d'être nette. Pourtant, la richesse y joue un rôle incontestable ; les personnages proémiments sont les possesseurs de baleinières, autour de qui se forment les équipages et qui, à la saison creuse, détiendront les ressources nécessaires pour prêter (ou donner) à ceux qui manquent du nécessaire.
Un rapport social essentiel (sinon le principal) est donc celui qui lie ces propriétaires, les umialit, à leurs hommes d'équipage et aux familles qui décident de joindre leurs maisonnées. La face la plus visible de ce rapport est cette assistance attendue de la part de l'umialiq en cas de besoin. Mais s'il peut pourvoir aux besoins des nécessiteux, c'est parce qu'il possède davantage qu'eux, et en particulier la viande de baleine stockée. Et s'il possède ces stocks, c'est parce que sa position en tant que propriétaire du bateau lui donne droit à une part plus grande des prises lors des chasses.
Au demeurant, les discussions qui ont suivi les billets précédents ont montré que les ethnographies suggèrent des choses assez contradictoires quant au caractère obligatoire des transferts opérés entre umialit et hommes d'équipage. Certains textes laisse entendre qu'il s'agit de dons, à discrétion donc de celui qui les effectuait. D'autres, au contraire, soutiennent que la distribution des parts de la chasse obéissait à des règles strictes. Il est évidemment impossible de se prononcer avec certitude, mais j'oserai une hypothèse : que cette relation entre umialit et hommes d'équipage se situait dans la zone grise qui sépare le don de l'obligation. En quelque sorte, je soupçonne qu'il existait entre elle et le salariat le même rapport qu'entre l'échange non marchand et l'échange marchand, si brillamment exposé par A. Testart. À savoir d'une part, que la relation présupposait un caractère personnel et d'autre part, que le manquement d'une des deux parties à ses obligations soit plus volontiers sanctionné par une simple rupture de la relation que par un recours à la force théoriquement possible. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un point annexe par rapport à l'idée centrale de ce billet.

21 commentaires:

  1. Qu'est ce qui limite une société dans la "richesse minimale"? Un équilibre relatif des rapports sociaux ou la domination reste limitée ? Une vision de l'humain qui interdit sa conversion en bien ? Un manque d'imagination ?

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    1. Question passionnante : celle du facteur susceptible d'expliquer les changements sociaux - et celui-ci en particulier. Les idéalistes répondront qu'un beau jour, sans qu'on puisse savoir pourquoi, les mentalités ont changé et que les sociétés ont en quelque sorte « décidé » de permettre aux biens d'intervenir dans leur structure. Ce genre d'explications n'et évidemment pas le mien.
      Traditionnellement, on a situé le basculement dans l'agriculture, qui aurait été génératrice de surplus, et qui aurait peu à peu permis à certains d'en exploiter d'autres. Je ne reviendrai pas sur toutes les faiblesses de cette thèse (j'ai écrit un long article entièrement sur ce sujet). Testart pensait que le facteur décisif était le stockage alimentaire, sans d'ailleurs vraiment expliquer comment il avait agi.
      De mon côté, j'avais proposé une hypothèse que j'appelais celle des biens W (et dont les stocks alimentaires n'étaient qu'un cas particulier). En réalité, cette hypothèse était censée expliquer le passage aux seuls paiements pour des droits sur les humains (la voie formelle). Mais j'ai le sentiment que les biens W pourraient peut-être aussi fonctionner pour la voie informelle, au moins dans un certain nombre de cas : à partir du moment où certains moyens de production demandent beaucoup de travail pour être fabriqués et qu'ils ne sont pas propriété collective, ceux qui les détiennent peuvent capter le travail des autres. Mais clairement, c'est encore une question en chantier, et je ne pourrai m'y (re)coller que quand je serai à peu près sûr que ma définition de la richesse est la bonne.

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    2. J'avais lu ton article sur les biens W.
      Ok donc celui qui possède une balainiere capte le travail de l'équipage. Est ce qu'on peut dire que celui qui possède l'accès à une ressource mal distribuée peut capter le travail des autres en échangeant cette ressource contre des biens qui leur a demandé du travail ?

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  2. Alors, j'ai une remarque sur le "commentaire 1", qui est aussi lié aux umialit.

    En ce qui concerne le terme "token", du moins pour les endroits où j'ai pu le rencontrer il s'agissait de prestation foncière appelée "token gift" ou "token rent". Je me souvient notamment que le terme revient très souvent sous la plume de Leach - sans doute embarrassé - à propos des Kachin, dont l'organisation sociale est toute pensée autour de la notion de "dette" ("kpa" si ma mémoire est bonne) à laquelle ces "token gift" ne correspondent pas du tout. Dans ce cas, il ne s'agit que d'échange de "PnonH" contre des "AnonH".

    Chez les auteurs francophones on parle plutôt de "don symbolique". Et en effet le degré de leur obligation est difficile à déterminer. Il y a plusieurs problèmes :
    1° On en fait quoi de ces "dons" ?
    2° Qui en fixe le montant ?
    3° Est-ce que ne pas les verser implique la rupture de l'échange ?

    A ma connaissance l'ethnographie la plus détaillé à ce sujet est celle de Jean Capron sur les Bwaba. Et en effet, ces "dons" 1° ne sont jamais accumulé par celui qui les reçoit : il les sacrifie entièrement aux dieux ; 2° le payeur décide seul de son montant et toute ingérence du receveur pour tenter d'en augmenter le montant serait perçu comme un délit d'avarice et serait réprimandé ; 3° Capron précise à plusieurs reprises que ces paiements non seulement ne sont pas obligatoire, mais aussi que la reprise de la terre par son propriétaire éminent (c'est-à-dire la rupture du contrat) n'est possible qu'à condition que ce dernier ait à nouveau les moyens de mettre la terre en valeur (et il a même l'obligation de trouver un autre endroit pour le demandeur de terre s'il lui refuse sa terre). La rupture n'est donc pas lié au non-paiement, en tout cas en droit ; après il est possible que cela décide le propriétaire à reprendre possession de sa terre, mais ce n'est légalement pas une raison suffisante pour la reprendre.

    ça reste un exemple où - me semble-t-il - on peut trancher sur le caractère non obligatoire du paiement et donc l'absence de lien socialement significatif entre la cession d'un "token PnonH" et celle d'un "AnonH". Pour le reste, bah, je t'avais déjà parlé de ce que les vieux wè me disaient sur leur ancienne manière de céder la terre aux étrangers :
    "Oui, on la leur donnait contre rien, un petit cadeau symbolique : 15 kg de riz par récolte" [il a bien utilisé le mot "symbolique", je précise]
    "C'était obligatoire ?"
    "Non"
    "Et si la personne ne paie pas ?"
    "Bah c'est qu'elle veut faire palabre, on la chasse !"

    Pourtant ce n'est toujours pas significatif du point de vue de la quantité de bien versé, mais c'est radicalement différent sur l'obligation à le verser. Donc je ne suis pas certain que la question du "travail qu'ils incorporent" soient essentiel. Même dans la transition de l'un à l'autre (du manque d'obligation au paiement obligatoire ; et donc à un contrat où les deux parties s'obligent). En revanche, le simple fait de rompre le rapport me semble suffisamment fort. Ce n'est pas le cas chez les Bwaba, mais Lloyd décrivait cela chez les Yoruba : le propriétaire n'a pas de moyen de forcer le paiement (la justice lui donne tort), en revanche il rompt le contrat quand il veut. Ce qui est finalement un moyen de pression assez fort si l'on prend en compte que le demandeur de terre n'en trouvera peut-être pas ailleurs.

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    1. J'ajoute une précision : si la valeur des biens "PnonH" en l'échange des "AnonH" ne me parait pas décisive dans le rapport, en revanche l'importance économique du "AnonH" en l'occurrence la terre, est décisive dans la détermination de l'obligation de fait du cédant du "PnonH" vis-à-vis du cédant du "AnonH". Si la chose lui est retirée, il ne peut pas vivre, ou en tout cas subira un important contre coup économique.

      Dans le cas du bateau de pêche c'est différent. D'abord il faudrait voir ce que sont précisément les termes de l'échange. ça me semble être un simple échange travail contre salaire ; à moins qu'on ne considère qu'il y a une cession de droit d'usage du bateau (?)

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    2. Merci de relever le gant à peine tombé à terre ! Pour te répondre :

      1. Pour le « token », je ne pensais pas à Leach ou à la rente foncière, mais aux paiements de mariage (l'Ethnographic Atlas, par exemple, code une des valeurs des paiements de mariage comme un "Token bride price"", qu'on pourrait traduire par un "prix de la fiancée symbolique". Et il existe souvent la même chose pour les dommages judiciaires. C'est très exactement ce que tu racontes : ce qui compte, ce n'est pas la valeur économique du transfert, souvent très faible, mais ce qu'il exprime, à savoir la bonne volonté et l'absence d'hostilité. À mon avis, en l'occurrence, ce n'est pas très important de savoir s'il y a obligation juridique ou non. Pour le raisonnement sur la richesse, ce qui compte, c'est le fait que ce transfert représente quelque chose de significatif sur le plan économique.

      2. Plus profondément, la question est : la possession d'un bien (ici la terre) ouvre-t-elle, de droit ou de fait, la possibilité de nouer un rapport social spécifique ? Ce que tu dis des Yoruba montre qu'il y a bel et bien un rapport propriétaire / tenancier, même si la rente n'est formellement pas exigible. Encore une fois, l'exigibilité est une question importante, mais secondaire par rapport au fait que la propriété sur terre sert à nouer un rapport social, qui relève donc de la richesse (comme le rappelle BB, c'est un rapport entre humains qui, d'une manière ou d'une autre, passe par les choses).

      3. Pour le bateau de pêche, je ne vois pas bien ce qui est différent, sinon éventuellement le rapport de force entre propriétaire et travailleurs. Mais quels qu'en soient les détails (certes importants), il y a bien captation du travail de l'équipage par le propriétaire du bateau du fait de cette propriété. Et cette captation n'est pas un simple token (comme c'est parfois le cas) : le propriétaire est celui dont dépendent les autres lors de la saison creuse.

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  3. Enfin sur la question de la richesse socialement significative, petite anecdote linguistique : chez les wè (où la dette se dit aussi "kpa" au kpassage) le "riche" se désigne par le mot "Ouliè-dyei" ou "Deï-dyei". Terme littéralement intraduisible en français à ma connaissance et qui est composé du suffixe "dyei" plus classiquement utilisé (et à la traduction moins ambiguë) dans l'expression "Bloa-dyei" qui désigne une personne qui a autorité politique sur un territoire "bloa". "Dyei" se traduit donc assez sûrement par "autorité" ou peut-être plus généralement par "pouvoir". "Ouliè" et "Dei" signifient "bien" ; or Ouliè-dyei et Dei-dyei ne désigne pas une personne qui aurait un pouvoir sur une chose (donc un simple propriétaire) mais une personne qui possède tellement de bien que cela lui confère une autorité sur les hommes. Il a un pouvoir sur les hommes médié par les choses comme dirait l'autre. Et une personne qui possède beaucoup de bien ne peut pas être autre chose. L'anthropologue Ronald Cohen racontait à propos des Kanuri du Nigéria - et je dois dire que j'ai vécu la même chose en pays wè - qu'il ne pouvait pas se balader sans qu'un homme vienne le voir pour se mettre à son service, lui demandant de lui prêter un somme d'argent avec laquelle il fera commerce, en retour de quoi il lui donnera une part de ses bénéfices.

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  4. La richesse c'est l'ensemble(le capital), des biens matériels, psychologiques, sociaux et des ressources intellectuelles, culturelles et de santé qui excède ses besoins vitaux et d'intégration sociale.

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  5. C’est de plus en plus compliqué, cette affaire ! J’ai lu rapidement, mais il faudra que je reprenne ça plus tranquillement, quand j’aurai un peu plus de temps.

    Pour faire une simple remarque à chaud, on sent bien depuis longtemps que ce qui caractérise les mondes II/III par rapport au monde I, c’est l’introduction dans les premiers d’une équivalence entre des biens matériels et quelque chose qui concerne les humains, qui n’existait pas auparavant. En pratique, ça donne :
    – Le prix de la fiancée, ce sont des biens qui se substituent à du travail (c’est comme ça que personnellement je le lis, et non pas comme échange biens <-> droits sur des femmes) ;
    – Le wergeld, ce sont des biens à la place d’une vie humaine, et les amendes en général ce sont des biens qui remplacent une contrepartie physique (ce n’est plus œil pour œil, mais biens pour œil) ;
    – L’esclave, c’est lui-même un bien, ou pour le moins une personne dont on peut tirer profit.
    – Pour le reste, dans l’ensemble des mondes II et III il y a une équivalence entre biens et travail.
    J’ai depuis longtemps la sensation que l’idée centrale des mondes II et III c’est cela, qu’une personne ou l’énergie qu’elle produit est transférable contre ou substituable à des biens matériels, et qu’il faut chercher la clé de ce côté. Reste qu’il faut arriver à le formuler…

    Pour les Tareumiut, il y a peut-être une réponse, c’est que les deux cas existent. Voici ce qu’écrit Murdoch, dont le terrain date des années 1880 : « Some umialiks hire their crews, paying them a stipulated price in tobacco and other articles, and providing them with food during the season. Others ship men on shares. We did not learn the exact proportions of these shares in any case. They appear to concern the whalebone alone, as all seem to be entitled to as much of the flesh and blubber as they can cut off in the general scramble. » Manifestement, déjà à une date ancienne on trouve les deux possibilités. Deux remarques complémentaires : 1) déjà en 1880 il y a un bail que les Tareumiut on des contacts avec les Russes (le tabac ne sort pas de nulle part…), ce qui peut fausser les données ; 2) De l’avis assez général, la parenté joue un gros rôle dans la constitution des équipages de baleinières (qui sont généralement « familiaux »).
    Mais mettons que ce soit du don : même si ce n’est pas un échange, même s’il n’y a pas de contrepartie exigible, on a tout de même en germe l’idée exprimée plus haut : ça reste un transfert de biens contre de l’énergie humaine (un travail au sens physique sinon social). Ce qui, en passant, n’est pas le cas des token.

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    1. Je ne crois pas que cela soit de plus en plus compliqué. Encore une fois, on converge (je crois) sur l'idée ; la difficulté est de l'exprimer rigoureusement et succinctement.
      Un détail qui n'en est pas un : je ne dirais pas (plus) que le monde II/III est celui où il y a "une équivalence entre des biens matériels et quelque chose qui concerne les humains". D'abord, parce que cela marche aussi avec des biens immatériels mais surtout parce que cette équivalence n'est qu'un des modes d'action possibles de la richesse (et c'est d'ailleurs toi qui me l'as rappelé à propos des Tareumiut).
      Je préfère dire : le monde II/III est celui où le pouvoir sur les choses est susceptible de donner du pouvoir sur les humains. SOIT parce que l'un permet d'acquérir l'autre d'une manière ou d'une autre (prix de la fiancée, wergild, esclavage...) SOIT parce que l'un permet de placer de, droit ou de fait son prochain dans une relation au moins économiquement subordonnée.
      J'ai l'impression que je ne suis pas si loin du compte, et que c'est plutôt la formulation / la présentation que le fond qui pèche. Je vais sans doute tenter un tableau.
      Pour les Tareumiut, il est bien possible que les deux cas existent... et comme cela me grattait, je suis allé vérifier une intuition : aujourd'hui encore, en France, les marins-pêcheurs sont susceptibles d'être rémunérés non par un salaire déterminé à l'avance, mais en part de prises (ce qui ne facilite évidemment pas le respect de la loi sur le SMIC). Mais, comme j'essaye de le dire, je crois que c'est secondaire. L'important, c'est que le rapport social entre homme d'équipage et propriétaire se noue autour de la possession de la baleinière par le second (et, ça va de soi, de sa non-possession par les premiers).

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    2. C’est effectivement compliqué dans la formulation ! Mais ça, ça peut s’arranger. Sinon, oui, je pense aussi que sur le fond nous convergeons, où en tout cas que nos conceptions ne sont en pratique pas très éloignées l’une de l’autre.

      Ce que j’écrivais est un peu jeté en vrac et il faudrait là aussi le formuler correctement. Par contre, ça me va tout à fait que tu raisonnes en termes de pouvoir ;-) : le politique a toujours été ma voie d’approche privilégiée (nous avons eu moult échanges à ce propos), et j’ai toujours été fan de définir les mondes II et III non par la richesse, utile ou pas (on voit que ce n’est pas simple), mais par le pouvoir qu’elle confère (nous avons eu cette discussion aussi). Le problème se pose alors pour le wergeld (en quoi traduit-il un pouvoir sur les humains ?), ce pour quoi je n’ai pour l’instant pas complètement bouclé la boucle sur cette piste. Ce pour quoi aussi j’explore celle, alternative, de la substituabilité/transférabilité humains/travail <-> biens, pour voir où ça nous mène (parce que, fondamentalement, c’est bien la chose qui n’existe pas dans le monde I et qui existe dans les deux autres). Ce n’est pas très différent de l’approche par le pouvoir, c’est juste un poil plus large.

      Pour les Tareumiuts, je pense qu’on n’a pas toutes les données. J’ai regardé tout ce que j’ai pu trouver, et il reste des questions importantes en suspens pour les baleinières. Les auteurs disent qu’en théorie n’importe qui peut en fabriquer une, et ça n’a tout de même rien de compliqué (il y a toutes les descriptions techniques qu’on veut). Mais pas moyen de savoir qui la construit, ou qui la fait construire, contre quoi éventuellement. Ce n’est tout de même pas un détail. Tout ce qu’on sait, c’est que déjà dans les années 1880 les Tareumiut vendent des baleinières aux blancs qui passent par là… Finalement, je me demande si on ne raisonne pas sur un truc complètement biaisé par le contact avec les Russes, et qui avant contact n’avait absolument rien à voir… Ça se dit aussi d’ailleurs pour la NWC (Momo se fera un plaisir de confirmer… ou pas).

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    3. Mon sentiment :
      – l'approche via le pouvoir exclut certains cas où il y a manipulation / transferts de biens matériels lors des mariages et/ou de la justice mais inégalités minimales ce qui n'est pas satisfaisant (ex : Indiens pueblo).
      – l'approche via la substituabilité exclut des cas où la possession de biens matériels confère une puissance de fait (économique), qui ne passe pas par l'acquisition formelle de droits sur les humains (ex : Tareeumiut).
      C'est cela qui est pénible : ce sentiment d'attraper à chaque fois presque toute la couverture mais pas toute.
      Pour les Tareumiut, admettons que leurs rapports sociaux soient un peu / beaucoup / à la folie le fruit du contact (tout comme pour la CNO). Je serais bien tenté de dire : et alors ? Autant c'est important de le savoir si on raisonne sur les dynamiques, autant du point de vue de la grammaire et de la classification, ça n'a pas d'importance (et question philosophique grave : quelle société pourrait prétendre être pure, et ne rien devoir au contact avec d'autres, plus ou moins différentes d'elle-même ?)

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    4. Sur le dernier point, tu as raison : c’était plus une remarque qu’autre chose, mais je suis d’accord avec toi.
      L’approche par le pouvoir, je suis d’accord aussi : on n’arrive pas à fourrer tout dedans. Je ne sais cependant pas si c’est quelque chose d’irréductible, ou si le problème peut être contourné (et alors comment ?).
      Pour l’approche via la substituabilité, je persiste à croire qu’il y a quelque chose à jouer. Pour les Tareumiut, OK, il n’y a pas d’acquisition de droits sur les humains, et il est possible que la contrepartie ne soit pas exigible. Mais il n’empêche, comme je le faisais remarquer, qu’il y a transfert biens contre force de travail. C’est une configuration de type « si tu travailles sur ma baleinière, je te donnerai des biens (en nourriture ou autres) ». Dans l’idée, c’est exactement l’inverse de « plutôt que de bosser pour toi pour avoir une de tes filles, je te donnerai des biens », c’est la même relation « biens <-> force de travail » dans l’autre sens. Or ça, pour autant que je ne me plante pas, ça n’existe pas dans le monde I…

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    5. L'approche par le pouvoir, je l'ai défendue un moment, mais je ne vois pas comment on peut s'en sortir pour les contre-exemples. Celle par la substituabilité, en revanche, oui il y a un coup à jouer et on sent en effet qu'on y est presque. On voit bien que dans le tableau que j'ai proposé plus haut, tout est dans le décloisonnement de la case 1 : ce que j'appelle les PnonH permettent-ils seulement d'acquérir des PnonH ou... tout le reste, et c'est là que le jeu s'ouvre (et que les possibilité via l'accumulation se démultiplie).
      Le truc qui grince encore un peu c'est cette affaire de salariat (car c'est bien de cela qu'il s'agit), mais je suis dessus. Le parallèle avec le prix de la fiancée est un peu bancal : ce n'est pas la même relation. Dans le prix de la fiancée, on remplace un échange "travail versus droits H" par un échange "biens PnonH versus H". Mais avec la baleinière, il n'y a pas de droits sur des humains en jeu. C'est PnonH (le salaire) versus travail, en raison d'un autre PnonH (la possession de la baleinière).

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    6. Oui, je suis plutôt optimiste, je pense qu’on n’a jamais été aussi près. Les trucs qui grincent, à mon avis on doit pouvoir mettre de l’huile (je lis tout ça et j’y réfléchis en faisant autre chose et je n’arrive pas trop à déconnecter mes deux hémisphères cérébraux pour faire du multitâche, mais sans trop creuser rien ne me paraît insurmontable). Juste pour le prix de la fiancée, il y a deux façons de le voir : soit travail <-> droits H qui se transforme en biens <-> droits H, soit travail qui se transforme en biens. Mais ça revient au même, c’est juste selon l’angle sous lequel on regarde. Après, c’est la formalisation de l’ensemble qu’il faudrait arriver à alléger, mais ça viendra quand les pièces se mettront totalement en place (ce qui se conçoit bien, etc.).
      Le prochain billet sera peut-être le dernier !

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    7. J'ai fait au brouillon un tableau qui me semble pas mal... et qui peut peut-être se simplifier un peu. Je tâche de le réaliser d'ici ce soir.

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    8. Hello le duo infernal,
      Désolé d'interrompre vos échanges par ailleurs passionnants. Contrairement à vous, je trouve tout cela complexe et dans sa conception et dans sa formulation (même si le langage de la logique aide).
      Peut-on dire, bêtement, que la richesse permet d'acquérir des biens ou du pouvoir, et n'est-ce que cela ? Que faire de l'acquisition du "pur" prestige, par exemple ? Une des thèses habituelle (et défendue par Alain Testart) est que les chefs (prestige) de la NWC n'ont aucun pouvoir (de droit) et que ce qu'ils donnent (au cours des potlatchs) n'a pour but que d'augmenter leur prestige. Et pourtant, c'est bien de la richesse puisque ces biens permettent de compenser des torts, de payer le prix de la fiancée, etc. (ou la dot qui est versée pour bien indiquer qu'il ne s'agit pas de la vente d'une esclave, que son groupe la protégera, etc.).

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    9. Hello Momo,
      En deux mots, le même Alain Testart précise bien qu’ils n’ont pas de pouvoir direct, mais un pouvoir indirect, celui que leur confère la richesse. Ils ne peuvent pas ordonner aux gens de travailler (pouvoir de commandement), mais ils peuvent les faire travailler en les arrosant (par des fêtes généralement, ou autrement, par exemple en leur promettant une part chez nos bien-aimés Tareumiut).
      Pour les potlatchs et autres pratiques ostentatoires, ce sont des conséquences secondaires : une fois que toutes les prestations sociales, s’il y en a (ce qui n’est pas le cas chez les Tareumiut), ont été payées, ce qu’il reste ne peut qu’être transformé en prestige via du don ou des fêtes de toutes sortes, puisqu’il n’y a aucune possibilité d’investir dans quoi que ce soit d’autre. Donc, oui, la richesse permet d’accroître son prestige, mais à mon avis ça ne doit pas être un élément de définition.

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    10. Hello BB,
      D'accord avec toi : le prestige (le rang, le statut, ...)ne peut pas être un élément de définition de la richesse, mais il pose problème.
      Pour répondre rapidement à tes objections :
      1. Pouvoir direct/ pouvoir indirect : on retrouve le problème : ce qui est de droit/ ce qui est de fait.
      2 Les chefs qui arrosent pour faire travailler les roturiers ? Je n'en crois pas un mot : le potlatch se passe entre gens de haut rang ; les roturiers ont droit à des rogatons alimentaires (qu'ils ont eux-mêmes fournis au chef !)
      3. Si on lit McIlwraiht sur les Bella Coola, il apparaît bien que les cadeaux sont distribués pour magnifier un nom (donc le prestige), du moins c'est l'idéologie qui sous tend ces distributions (potlatch). L'analyse ne peut effectivement pas se calquer sur l'idéologie.

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    11. Pour le 2), attention : le potlatch ce n’est pas pour faire travailler les roturiers, c’est entre gens biens, effectivement. C’est autre chose que les fêtes qui servent à faire bosser, les « work feasts » des anglophones, qui elles ont bien pour but de faire bosser les gens libres de seconde zone.

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