Pages

Il n'y a pas de bonne religion


Les événements des jours passés ont suscité une immense vague d'émotion, et comme bien des gens, j'ai passé une semaine nauséeuse, plombée par l'horreur du massacre des membres de Charlie Hebdo, des policiers et des clients juifs du supermarché casher.

Mais à cette douleur s'est ajoutée, peu à peu, l’écœurement face à la vaste opération politique qui s'en est suivie. À l'occasion d'une manifestation dite d'unité nationale, l'émotion de la population a été utilisée pour serrer les rangs derrière Valls et Hollande - dont la politique intérieure et extérieure, à l'image de celle de leurs prédécesseurs, porte une lourde responsabilité dans les événements actuels. Et comme plus c'est gros, plus ça passe, la manifestation a même servi à faire la promotion démocratique de ces farouches progressistes que sont Cameron, Merkel ou Rajoy - celui-là même qui voulait supprimer le droit à l'avortement il y a peu - auxquels se sont ajoutés, entre autres et pour faire bonne mesure, des démocrates et humanistes aussi distingués que Viktor Orban, Ali Bongo, le roi de Jordanie, Avigdor Lieberman ou Naftali Benett (liste non limitative et non hiérarchisée).

Comme un écœurement en appelle d'autres, l'actualité a aussi fourni son lot d'exactions commises par des crétins « de souche » qui ont attaqué des mosquées, ou les provocations de ces gosses qui ont justifié les meurtres et perturbé les minutes de silence.  

Sur tout cela, il y aurait sans doute bien des choses à dire ; mais c'est sur un point précis que j'ai eu envie de réagir sur ce blog. Je veux parler de ce refrain – plus précisément, cette antienne – répété à l'envi sur toutes les chaînes sans que personne ne semble devoir le démentir, selon lequel (en substance) : « ce n'est pas cela l'Islam », « ce n'est pas cela la religion », que « les religions sont amour et respect de l'autre » et autres fadaises de la même eau bénite.

Je ne sais pas si les rabbins, curés et imams, ou même les simples croyants qui nous ânonnent cela ont lu leurs propres textes sacrés. Ceux qui leur servent la soupe, en tout cas, ne semblent pas l'avoir fait. Parce qu'il suffit d'ouvrir n'importe lequel de ces récits mythiques qui fondent leur foi pour voir que sont divinement justifiées toutes les violences et toutes les oppressions, à commencer par l'esclavagisme et, bien sûr, celles sur les femmes.

Nul besoin, pour le savoir, d'être un théologien confirmé (je peux me targuer d'avoir passé avec succès, il y a assez longtemps de cela, tous mes examens de jeune catholique ; il est vrai que mon mérite reste relatif, le taux de réussite étant encore supérieur à celui du bac actuel). N'importe qui doué d'un peu de curiosité et d'une connexion internet peut le vérifier, ainsi que l'attestent ces quelques sites fort recommandables :
  • quelques extraits plaisants de violence dans la Bible (je parle naturellement d'une violence exercée par Dieu ou sous ses ordres, et donc légitimée par le texte sacré)
  • de nombreux extraits éloquents du Coran (le rédacteur tient à démontrer qu'il serait « pire » que les autres livres sacrés, une affirmation qui doit sans doute être mise sur le compte de sa méconnaissance de ces derniers).
  • un beau recensement sur les religions contre les femmes, qui procède de surcroît à une petite incursion du côté du bouddhisme, souvent présenté chez nous comme une « philosophie », une religion intello, en quelque sorte.
Je pourrais rallonger la liste avec la légitimation de l'esclavage, la répression en matière de mœurs ou, tout simplement, les absurdités biologiques et cosmologiques. L'essentiel est ailleurs : les croyants qui se réclament de lectures littérales de ces passages ne sont pas moins fondés à le faire que ceux qui font comme s'ils n'existaient pas, en se réclamant des passages, tout aussi réels, qui appellent à la paix et à l'amour du prochain. Les intégristes de tout poil sont sans doute des fous furieux, mais ils peuvent justifier leurs dingueries par les mêmes textes que les croyants plus sympathiques (ou plus inconséquents ?) considèrent eux aussi comme sacrés.

Non seulement ils ne faut pas l'oublier, mais il faut le dire et le redire, plus que jamais. Que la plupart des tenants des trois religions du Livre soient horrifiés par leurs propres intégristes comme par ceux des autres, c'est heureux. Mais ce n'est pas une raison pour taire sur quel arbre poussent les fruits qu'eux-mêmes disent pourris. La solidarité avec les gens est une chose, la solidarité avec leurs idées en est une autre (ce que curés, imams et rabbins aimeraient beaucoup faire oublier). La religion, ce n'est pas le terrorisme ? Voire. Mais dans tous les cas, c'est la démission de la raison, pente glissante s'il en est.

Les événements récents accoucheront peut-être, hélas, d'un Patriot Act à la française. Ils déboucheront aussi, peut-être, sur une multiplication des agressions contre des lieux de cultes – naturellement, un parti représentant les intérêts des exploités ne pourrait rester indifférent à de telles agressions et, s'il en avait les moyens, devrait, en plus de les dénoncer, tenter de les empêcher dans les faits. Mais la situation peut dans le même temps conduire, sous couvert de « tolérance », de « vivre ensemble » et de lutte contre des discriminations réelles ou supposées, à légitimer et à promouvoir des formes de croyances dites « modérées » perçues comme des moindres maux. Voire, dans le pire des cas, à abdiquer, toujours au nom de la lutte contre les discriminations, toute résistance devant de nouvelles revendications sexistes ou obscurantistes, pour peu qu'elles brandissent un drapeau religieux. L'enfer des athées, lui aussi, est souvent pavé de bonnes intentions.

Allez, je vais réviser ma théologie avec Les écritures de Cavanna, une version de la Bible à mourir... de rire.


18 commentaires:

  1. Non non et non!
    Je n'ai pas défilé derrière des fascistes et des assassins! Je n'ai pas défilé derrière Valls ou Hollande !

    J’ai défilé avec des concitoyens sans leur demandé s’ils étaient cathos pratiquants ou militants FN.

    Ce sont eux qui ont défilé derrière nous. Eux ont été dépassés submergés par la foule des citoyens anonymes ! La « belle unanimité » de l’assemblée nationale hier en est la preuve : c’est nous qui leur avons dit quelque chose et non l’inverse. S’il n’y avait eu que 100 000 personnes dans les rues cette « belle unanimité » n’aurait pas eu lieu ! Eux serrent les fesses pas moi.

    Ceux qui savent qu’Orbat est un fasciste n’ont pas changé d’avis dimanche. Ceux qui condamnaient samedi la politique de Netanyaou n’approuvent pas aujourd’hui la politique d’Israël etc… Les gens ne sont pas tous stupides. Certains autour de moi hésitaient à manifester à cause de la présence de ces individus. Leurs laisser le champ libre ? NON !

    Mercredi soir la place de la république à Paris était noire de monde ce ne sont pas nos élus qui ont créé ce rassemblement.
    Au sujet de la minute de silence je suis d’accord avec Cohn Bendit ! Demander cela à des gamins est une énorme connerie ! Demander à un môme de CE1 une minute de silence, pour moi, c’est quasiment de la manipulation. Par quel miracle des mômes remettraient en cause ce qu’ils croient juste depuis longtemps ? 17 morts c’est un tsunami émotionnel pas un surgissement de lumière éclairant les consciences ! Les miracles n’existent pas. Ceux qui ont perturbé la minute nous disent quelque chose : les a-t-on écoutés, entendus ? Non : ce ne sont que des perturbateurs qui on forcément tort ? A ce train-là on n’est pas arrivé.
    A propos des religions je suis d’accord dans l’ensemble et même un bravo pour le bouddhisme : c’est bien une religion ! Nous n’avons pas lu la bible à nos enfants mais L’Iliade et l’Odyssée. Que de choses irrationnelles féériques et quelle violence, ne serait-ce que le retour à Ithaque d’Ulysse : un massacre total. Alors faut-il effacer tous ces textes fondateurs y compris la bible et autres? Faut-il lire l’Odyssée au raz du texte ou en faire une analyse. Faut-il comme Ulysse exterminer tous les prétendants ou faire une analyse de ces textes ?
    Mais, la religion n’est ni le terrorisme ni la démission de la raison, c’est un peu plus complexe que ça. Les idées simples n’ont jamais réglé les choses complexes. Laissons les églises temples mosquées etc… ouverts. En France on a laissé les églises ouvertes, et bien elles se sont vidées : nul ne peut contester ce constat. Il en sera de même pour les mosquées si « le monde libre » arrête ses conneries.
    Les religions ne se résument pas à la démission de la raison. C’est une tentative d’explication du monde et partant une tentative d’organisation sociétale. La société est en permanente mutation c’est pour cela que l’on ne peut donner le même crédit à ceux qui font une lecture littérale des textes et ceux qui tentent une analyse plus actualisée. Personnellement je combats les deux : mais on ne peut brûler ni la bible ni le coran ni le maharabata, c’est trop tard il aurait fallu ne jamais les écrire.
    La société progresse et les religions reculent, il y a des soubresauts et il y en aura encore : mais les religions monothéistes régressent malgré les apparences!
    Un « patriot act » n’est pas à l’ordre du jour mais si jamais… là il faudra se lever et se battre réellement et durement car nous ne serons pas des millions dans la rue et les Orbat et autres seront face à nous et eux auront les armes à la main !
    Ah ! bon dieu qu’il est dur parfois à un athée de répondre à un autre athée !
    NO PASARAN

    RépondreSupprimer
  2. Bonsoir

    L'avant et l'arrière, la religion et la littérature, allumer le feu de la critique et celui des autodafés, tout cela m'a l'air de susciter en vous quelques confusions. Je vais donc tenter quelques remises au point.
    Malgré les efforts que vous déployez pour vous convaincre du contraire, je suis désolé de devoir le répéter : à la manifestation de dimanche, c'est vous qui étiez derrière la fine fleur des politiciens bourgeois, pas l'inverse. Eussiez-vous éprouvé l'envie de soulager votre vessie dans le sens de la marche plutôt que regarder ailleurs, vous auriez pu le vérifier.
    Quant à penser qu'être en tête d'une manifestation, surtout lorsqu'elle est d'une telle ampleur, ne rapporte aucun bénéfice politique, c'est là une découverte proprement révolutionnaire. Quand je pense qu'Hollande, Valls, Sarkozy et toute leur clique se frottent les mains de leur petite opération... Ce sont vraiment de grands naïfs.
    Vous me parlez de la violence dans l'Iliade. Sérieux, vous ne voyez vraiment pas la différence entre un poème, que chacun présente comme un récit imaginaire ou romancé, et un texte sacré qu'on annone aux enfants en les endoctrinant sur le caractère indiscutable des vérités qu'il est censé révéler et dont les prescriptions sont censées régler chaque instant de leur vie du lever au coucher ?
    Quant à passer la Bible ou le Coran au feu, voilà une idée bien étrange. Le seul feu auquel ils doivent être soumis est celui de la critique (au demeurant, c'est un feu allumé il y a djà au moins deux siècles et que tout athée conscient se doit d'entretenir). Parce que si la religion ne se résume pas à la démission de la raison (je n'ai écrit cette idiotie nulle part), elle la suppose.
    L'humanité future continuera sans nul doute de se livrer à l'étude raisonnée de ce qui aura été considéré jadis comme des textes sacrés. Elle formera ainsi les esprits critiques des jeunes humains, qui se demanderont avec perplexité comment une époque capable d'inventer internet ou d'envoyer une sonde sur une comète pouvait encore abdiquer toute capacité de réfléchir pour croire dur comme fer à de telles sornettes. Voire à tuer en leur nom.
    Pour le moment, nous devons lutter contre un cancer qui se développe sur la chair en décomposition d'une économie moribonde. Et penser que le simple fait de laisser les lieux de culte ouverts (mais qui diable les a fermés, ou a pensé à le faire ?) finira par les vider est une politique à peu près aussi avisée que laisser se propager les incendies en se disant qu'ils finiront bien par s'éteindre tôt ou tard.

    RépondreSupprimer
  3. Merci pour cette référence, dont j'ignorais tout. Je la rajoute sur la pile... déjà bien haute !

    RépondreSupprimer
  4. Récemment, je suis tombé sur ce texte sur la page facebook de Peggy Sastre. C'est une réponse de Najib El Mokhtari au communiqué de Tariq Ramadan selon lequel l'islam ne peut être invoqué pour justifier les tueries.
    ça me semble bien illustrer le fait que les religieux modérés, mêmes s'ils sont plus sympathiques que les fanatiques, sont en fait moins cohérents :

    "M. Tariq Ramadan (official) je pense que le passage disant qu'aucune version de l'islam ne peut etre utilisee pour justifier ces actes est tout simplement faux. On comprend tres bien que vous pronez un islam de paix et d'humanisme. C'est super et personnellement j'aimerais bien que tous les musulmans soient comme vous dans ce sens.
    Mais il existe bel et bien d'autres versions de l'islam qui ne le sont pas. Il faudrait, je pense, arreter avec le discours de "ceci n'a rien a voir avec l'islam" car c'est malhonnete, contre productif et c'est un frein pour une vraie reforme.
    Quand j'etais a l'ecole primaire, tout comme des millions d'enfants, dans la matiere appelee "education islamique" on nous enseignaient que le coran, le hadith et le qyass sont des sources de "jurisprurdence islamique". Et que le prophete est notre modele (qoudwa) et qu'on devrait le plus possible reproduire les pratiques de sa vie. Or selon ces memes hadiths, le prophete a:
    - Egorgé tous les hommes (800+) d'une tribu de juifs par ordre d'un ange. - Déporté et confisqué les biens d'une autre tribu entiere sur la base du temoignage d'un musulman qui a pretendu qu'un juif a dénudé une femme. (musulman qui a en fait tué le juif en question sur le champ avant meme de consulter une sorte de "tribunal").
    - Egorgé une bonne partie des ENFANTS de cette tribu. Car le critere pour distinguer entre les males a egorger vs. ceux a epargner etait l'existence ou non des poils de puberté.
    - Esclavagisé le reste des enfants ainsi que les femmes et vendu ces femmes et enfants dans des marchés en Syrie (cad une deportation loin de la terre que ces civils juifs ont habité pendant des siecles).
    Je n'ai pas étudié cette histoire a l'ecole mais j'ai étudié un autre chapitre qui s'appelle "al houdoud" dans lequel on nous disait que dans la jurisprudence islamique, on doit couper les mains des voleurs, couper les mains et pieds des ennemis "mouhariboun" et les torturer sur une croix,.. ainsi que toute une panoplie de pratiques executées de nos jours par Daech sur le terrain.
    Venir me dire que ce que fait Daech n'a rien a voir avec l'islam c'est, excusez le terme, nous prendre pour des imbéciles.
    Je suis pour une reforme honnete et profonde de l'islam. On sait tous que la grande majorité des musulmans sont des gens paisibles et ne soutiennent pas le terrorisme, et ne connaissent meme pas ces histoires du prophete que j'ai evoqué. Pour eux, l'islam c'est la charité, les rapports familiaux et la prière. Mais cette meme majorité est aussi endoctrinée avec un islam ambigu dans lequel les hadiths sont une verité et le prophete est un modele a reproduire tel quel au 21eme siecle. Ce qui veut dire qu'en theorie une bonne partie des musulmans sont des musulmans paisibles parcequ'il y a une sorte de contradiction logique interne ou une ignorance dans leur démarche.
    Affronter ces contradictions et reformer honnetement l'islam sounni (e.g. virer une bonne partie des hadiths et reconnaitre que le prophete n'est pas un modele litteral a reproduire de nos jours) est l'issue.. NON PAS repeter a chaque fois la fameuse phrase "hadha layssa bi islam" (ceci n'est en aucun cas apparenté a l'islam).
    Soyons courageux."

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, c'est un beau texte. Merci de me l'avoir fait connaître. On pourrait simplement lui reprocher de s'arrêter en chemin : si le texte sacré n'est pas entièrement sacré, alors il ne l'est pas du tout. Et on doit fonder alors sa morale sur des raisonnements, non sur de supposés impératifs surnaturels...

      Supprimer
    2. Je suis entièrement d'accord.

      Il existe à ce propos des expériences de psychologie intéressantes menées par E. Turiel en 1993.
      Turiel a demandé a des jeunes enfants très religieux (juifs orthodoxes et amish mennonites) s'il serait permis de changer le jour du culte si Dieu le décidait. La plupart ont pensé que c'était le cas. Puis il a demandé s'il serait permis de voler si Dieu le décidait. Les enfants avaient tendance à penser que Dieu ne pourrait pas décider une chose pareille et qu'elle demeurerait interdite dans tous les cas.

      Cette expérience montre que les enfants font la différence très tôt entre les règles morales (qui ont trait aux torts que l'on cause a autrui) et les règles conventionnelles. Cela montre aussi que les règles morales n'ont pas besoin d'être appuyées par la religion pour avoir une valeur. Les gens qui pensent qu'on a besoin de la religion pour fonder la morale se trompent sur ce point. La morale s'impose même à Dieu. Et même si Dieu est mort, tout n'est pas permis.

      Supprimer
  5. Oui mais je pense que c'est un peu vain de critiquer les textes dits sacrés. Il y a à boire et à manger. Ceux qui veulent boire le pourront, ceux qui veulent manger aussi. On y trouvera de quoi justifier n'importe quoi, du plus horrible au plus admirable selon l'idée que l'on se fait de l'admirable. C'est même assez inutile de critiquer les pouvoirs religieux institués. Tout cela, on le fait depuis longtemps. Comme la religion est une affaire de cœur, de croyance, de rêve, ces arguments raisonnables ne portent pas, sauf sur ceux qui sont déjà convaincus.
    S'il n'est pas encore évident pour tout le monde - même pour les croyants - que la religion a deux visages, le beau visage avec les belles valeurs, les bons sentiments, les bonnes intentions et les œuvres culturelles que des artistes ont réussi a produire, et le visage de la coercition, de la complicité avec les pires des Etats, du refus du progrès, du refus de la liberté de conscience, le visage de l'endoctrinement dès le plus jeune âge (et accessoirement de la pédophilie), c'est parce que, malheureusement, comme le montre la manifestation réussie de janvier, les gens réagissent de façon pavlovienne à tous les jolis mots, les jolies causes, les jolies idées qu'on aura su mettre en avant. Bref, la naïveté, la crédulité, l'idéalisme, règnent en maître.
    http://inconnaissance.unblog.fr

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour

      Que critiquer les textes sacrés soit insuffisant pour éradiquer les idées religieuses et les superstitions en tout genre, c'est une chose. Que ce soit inutile en est une autre. Et si certains s'adressent à la crédulité des gens, il est d'autant plus nécessaire de s'adresser à leur raison et à leur conscience.

      Supprimer
  6. Pas si sûr que les religions reculent. En tout cas, le nombre d'adeptes de toutes sortes de religions augmente à mon avis. Les responsables religieux n'aiment rien tant que de passer pour des victimes, des discriminés des persécutés quand ils sont en position de faiblesse. Ils n'aiment rien tant que de montrer à leurs ouailles combien on est injuste avec eux. Alors oui, s'adresser à la raison et à la conscience de ces dernières, mais ma position personnelle consiste à revendiquer fièrement mon incroyance et à essayer d'analyser les processus en cours dans la croyance religieuse.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Qui a dit que les religions reculaient ? Certainement pas moi, car je pense exactement le contraire. Je dis juste que si on veut qu'elles reculent, la critique (plus exactement le rappel) de ce que sont leurs textes sacrés est un des éléments nécessaires. Ni plus, ni moins...

      Supprimer
    2. Un des nœuds du problème, selon moi, sinon le nœud, c'est le fait que l'on a fait de Dieu une personne. C'est ce que mettent en scène les textes. L'homme à l'image de Dieu et inversement, plus une relation entre Dieu et chacun de nous, plus une récompense personnelle, plus un Dieu qui parle, avec des mots, comme nous. Sauf que cette parole au sujet des hommes, de leur vie, de leur société est la Vérité universelle et éternelle. C'est cela la grande imposture. C'est l'idée de personne qui est sacralisée.
      Tout ce qui tend à nier ou détruire l'idée de personne est anti-religieux au plus haut point.

      Supprimer
  7. Bonjour ! J'ajoute ce petit commentaire parce que je pense que votre billet ne prend pas en compte certaines données concernant la bible, ce qui le conduit à simplifier la question de la violence dans les religions.

    Si j'ai bien compris votre propos, les livres sacrés des religions actuelles contiennent des passages qui appellent à la violence et d'autres qui prônent au contraire l'amour du prochain, ce qui implique que les croyants sont aussi fondés à agir selon l'un ou l'autre principe lorsqu'ils adoptent une attitude sérieuse vis-à-vis de leurs propres textes. Au détour d'une parenthèse, vous semblez ajouter (sans toutefois, vraiment l'affirmer) que les interprètes qui se fondent sur les passages violents sont plus conséquents que ceux qui privilégient les parties plus tolérantes. Or, si on considère qu''il y a véritablement des principes contradictoires au sein des textes, on ne peut pas dire que les intégristes violents sont plus littéralistes ou plus conséquents. L'un et l'autre amputent une partie de leurs préceptes religieux.

    EN dehors de cette précision, vous omettez le fait que le nouveau testament affirme explicitement qu'il rend l'ancien testament caduque. Or, tous les textes violents de la Bible sont tirés de l'ancien testament, comme le prouve d'ailleurs le lien que vous avez partagé. Plusieurs textes de l'évangile énoncent que certaines règles de l'Ancien testament ont été faites par des hommes. Les épîtres de Saint Paul, surtout l'épître aux romains, proclame que l'ancienne loi (c'est-à-dire l'ancien testament) n'a plus cours. "Les actes des apôtres" confirment cela quand on y rapporte le conflit entre saint Paul et saint Pierre sur ce point et l'abandon par les chrétiens des anciennes règles (la circoncision, les interdits alimentaires). Et sur le point spécifique de la violence, l'évangile énonce directement que la loi du talion est abolie. L'interprétation la plus littéraliste de la Bible va dans le sens d'un abandon des principes violents de l'ancienne alliance.
    Par ailleurs, le nouveau testament contient dans l'évangile de Matthieu un passage qui explique comment l'ancien testament doit être interprété. Et il y a une claire subordination de l'interprétation au principe d'amour puisqu'on y affirme que les deux plus grands commandements sont l'amour de Dieu et l'amour du prochain, que ces commandements reviennent aux mêmes, et que le reste n'est que commentaire. JE ne connais pas de passages qui affirme explicitement un principe d'explication inverse. En somme, il y a une hiérarchisation entre les préceptes bibliques dans le texte même de la Bible. Quand les interprètes plus tolérants des textes évacuent les passages violents, ils le font conformément à la lecture la plus littérale de leurs textes. On ne peut pas en dire autant pour les interprètes qui se fondent sur les passages violents pour rejeter ceux qui parlent d'amour du prochain.
    Pour prouver que les chrétiens prônant la violence sont fondés à le faire sur la base de leurs textes sacrés, il faut à tout le moins montrer que des textes légitimant la guerre sainte ou les violences commises au nom de Dieu existent dans le nouveau testament. Or, il n'y a rien de comparable à l'assassinat des prêtres de Baal par le prophète Elie par exemple. On pourrait évoquer la question des cataclysme envoyés par Dieu dans l'apocalypse, qui pourraient être interprétés comme de la violence sacrée, mais c'est un autre sujet car ces descriptions ne légitiment pas les violences humaines.

    RépondreSupprimer
  8. (suite)
    Encore un fois, si on se fonde sur une interprétation littérale, aucun texte du nouveau testament ne les légitiment (alors que des textes les condamnent explicitement). Deux passages peuvent à la rigueur être sujets à interprétation :
    1) Celui où le Christ dit qu'il n'est pas venu apporter la paix dans le monde mais le glaive. Mais si on lit le passage, on se rend compte qu'il parle des violences commises contre ses disciples. A aucun moment de ce texte, il ne laisse entendre que ce sont les chrétiens qui porteront le glaive évoqué. C'est donc dans une interprétation proprement non littérale (voire erronée) qu'on pourrait y voir une justification de la violence.
    2) Celui où il dit aux apôtres d'acheter un glaive parce qu'il va être arrêté. Déjà en tant que tel c'est assez maigre, mais en plus quand un apôtre utilise justement son glaive au moment de l'arrestation pour défendre le Christ, celui-ci leur demande d'arrêter et guérit celui qui a été blessé. Voir là une apologie de la violence serait donc assez étrange.

    Je ne sais pas ce qu'il en est de l'Islam et je ne cherche pas à faire du prosélytisme. Mais je soutiens simplement que le christianisme est une religion dont les textes réputés sacrés, dans leur interprétation littérale, défendent la non-violence, à l'instar du bouddhisme par exemple. D'un point de vue anthropologique d'ailleurs, l'apparition quasi-contemporaine du bouddhisme mahayana et du christianisme est un phénomène sûrement intéressant à analyser. Cela dit peut-être quelque chose de l'évacuation progressive de la violence dans la vie civile des peuples où ces religions ont vu le jour, avec l'affirmation du pouvoir central.

    Ceci n'empêche évidemment pas que des gens ont commis des violences en les justifiant par la bible chrétienne. Comme on a vu des groupes bouddhistes violents par exemple. Ces interprétations non littérales sont sans doute dues aux transformations des conditions de socialisation des gens qui les ont porté.

    J'espère ne pas vous avoir ennuyé avec ces quelques exégèses et vous souhaite de poursuivre votre travail anthropologique précieux, qui m'a appris beaucoup de choses.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour

      Je ne me lancerai pas dans une exégèse des textes sacrés, un jeu pour lequel j'avoue bien humblement ne pas posséder de qualification particulière. J'avoue tout de même être un peu étonné devant cet Ancien Testament qui serait rendu caduc par le Nouveau, mais qu'on continue tout de même à prendre comme référence chez tous les bons catholiques qui (Dieu merci ?) n'ont à ma connaissance jamais renié la Bible. En quelques siècles, Dieu aurait-il changé radicalement d'avis sur des questions aussi importantes que la violence, l'adultère, l'esclavage, le statut inférieur des femmes ou le traitement à réserver aux infidèles et aux apostats ? Si c'est bien le cas, et si je croyais à ce Dieu, cela me troublerait. Et quoi qu'il en soit, bien des chrétiens, à commencer par une bonne partie des protestants, revendique haut et fort la validité de la Bible et de ses enseignements les plus saumâtres. Alors, à quel saint se vouer ?

      Quoi qu'il en soit, je dois bien reconnaître que fabriquer une nouvelle religion qui tente de se réclamer d'un dogme existant tout en rompant avec certains de ses enseignements majeurs est un exercice difficile, et qu'on ne saurait jeter la pierre aux Pères de l'Eglise, qui ont bricolé comme ils ont pu pour faire du Dieu vengeur du petit peuple juif le Dieu universel (et aimant ?) de toute l'humanité. Les raccords, les contradictions et les incohérences sautent aux yeux ? Certes, mais à l'impossible nul n'est tenu et dans cette affaire, tout comme dans les autres, il n'y a pas de miracles.

      Supprimer
  9. Merci de votre réponse ! Juste quelques précisions et après j'arrête de vous embêter avec ça. L'Ancien testament n'est évidemment pas rejeté par l'Eglise (contrairement à ce qui se passait dans les sectes marcionites). Seulement, on peut bien dire qu'il est dépassé pour les chrétiens à trois niveaux : 1) les chrétiens ne sont pas tenus par les règles qu'il édicte (c'est un des points de dogme les plus anciens du christianisme) 2) tout ce qu'il annonce est censé avoir été accompli 3) la venue du Christ instaure une nouvelle forme d'alliance entre Dieu et les hommes
    Si les pères de l'Eglise citent volontiers l'Ancien testament, ce dernier est quand même entièrement interprété à l'aune du nouveau qui a une préséance certaine. D'ailleurs, dans les offices catholiques et orthodoxes, hormis les psaumes, les textes de l'Ancien testament sont peu lus. Et quand ils le sont c'est dans leur liaison avec ce qu'en dit le nouveau testament, avant les grandes fêtes (les annonces du messie, la pâque juive annonciatrice de la pâques...). Depuis Vatican II, ils sont un peu plus lus chez les catholiques, mais toujours dans cette optique.
    S'agissant du protestantisme, le rapport au texte biblique est très varié du fait de l'absence d'institution ecclésiale générale mais il me semble que, malgré la remise en avant de l'Ancien testament, la plupart des protestants n'appliquent pas les règles de la torah. Je crois que Luther affirment très clairement l'idée que c'est la foi qui sauve, et non la loi.

    Sur les changements entre l'Ancienne et la nouvelle Alliance, je ne voudrais pas entrer dans un débat théologique dont je pense qu'il se résume, au fond à la question du mal dans un monde supposément créé par un Dieu bon.
    Juste un dernier point sur les règles concernant l'esclavage dans la torah, j'avais lu chez Alain Testart que celles-ci allaient plus loin dans l'humanisation de l'esclavage que le code d'Hammourabi. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

    Encore merci à vous !
    Bonne journée !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. « Juste un dernier point sur les règles concernant l'esclavage dans la torah, j'avais lu chez Alain Testart que celles-ci allaient plus loin dans l'humanisation de l'esclavage que le code d'Hammourabi. Je ne sais pas ce que vous en pensez. »
      Enfin une question facile ! Je n'en pense rien du tout, n'ayant aucune espèce de compétence sur le sujet !
      Bien à vous

      Supprimer
  10. Jacques Simon03 mars, 2021 14:27

    Sur la question de la violence des religions ,beaucoup de celles-ci ne l'acceptent pas ,l'inconvénient étant que ne correspondant pas à l'état de leur société à un un moment donné, elles sont soit marginalisées, soit à leur tour réinterprétées : je pense aux bouddhisme (quasi disparu de l'Inde son berceau, déformé ailleurs, au mouvements réformateurs de Kabir(puis de ses suiveurs, qui ont inspiré Gandhi) ou du Sikhisme(qui ont un rapport à la violence comme légitime défense ),toujours en Inde. Les religions,outre d'être inspirées par un état de la société,sont très dépendantes des mouvements qui la traversent: La résurgence de l'hindouïsme nationaliste n'est pas un mouvement de foi piétiste, l'Islam en Inde s'est propagé en réaction au système des castes au Moyen Age,comme d'autres religions ou sectes,etc.
    Je pense qu'il ne faut pas croire que lutter contre les religions aurait une quelconque utilité, elles ne seraient que l'écume de nos sociétés, et en seraient le thermomètre. La France est une des sociétés les plus laïques et areligieuses du monde, et cela n'empêche pas les opinions extrêmes, le complotisme, les sectes improbables, l'intolérance, etc. Certaines recherches ont tendance à attribuer à la foi une propension à la solidarité, à la bienveillance ( dans Cerveau et Psycho), avec le bémol que ces qualités sont plutôt orientées vers les coreligionnaires ou assimilés. On retrouve donc cet attirance du " semblable". Seule une éducation assez poussée peut faire disparaître ou atténuer cette propension.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le marxiste que je suis répondra que pour changer la société, on ne saurait faire de la lutte contre la religion un but en soi, ni même un préalable. Pour autant, il faut affirmer haut et fort que pour ceux qui se placent sur le terrain de la lutte contre l'oppression et l'exploitation, le fatras mystique fait partie du problème, et non de la solution (tout comme font partie du problème des dizaines d'autres croyances et idées qui divisent les exploités et contribuent à les empêcher de prendre conscience de leurs intérêts).

      Supprimer