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La caverne du Pont d'Arc, c'est chouette !

La caverne

Ca y est, j'y suis allé – qui plus est, en bonne compagnie : la réplique de la grotte Chauvet, baptisée Caverne du Pont d'Arc. Eh bien, il faut le dire : c'est très réussi. La reproduction ne respecte pas les dimensions de la grotte originale : les salles ont conservé leur taille, mais elles ont été rapprochées les unes des autres. Pour ce qui est des textures des roches, des couleurs des dessins, ou de l'aspect des gravures, tout semble absolument réel et il est impossible (en tout cas, à l’œil non expert) de soupçonner qu'il s'agit de résine (on peut voir sur ce site un reportage sur cette réalisation technique).

La visite elle-même est très cadrée : il faut réserver sur le net, et des groupes de 25 personnes se succèdent toutes les quatre minutes. Les explications des guides sont donc formatées ; pas question de s'attarder ou de baguenauder, le groupe suivant n'est jamais très loin. On peut néanmoins poser des questions... à la fin. En soi, ce format n'a rien de scandaleux ; il permet de s'imprégner de l'ambiance du lieu, et paraît mille fois préférable à une déambulation désorganisée, où les paroles des guides, tout comme les visiteurs, se télescoperaient. Cela dit, on en ressort quand même avec un petit goût de trop peu. Une heure pour voir tout cela, c'est bien court ; bien qu'elles se limitent aux questions d'art proprement dites, les visites ne permettent même pas de tout montrer, et quelques œuvres pourtant fort jolies sont ignorées du guide, et ne peuvent donc, au mieux, bénéficier que d'un coup d’œil lointain du visiteur curieux. Une demi-heure supplémentaire serait donc franchement bienvenue. Cela dit, il semble question, hors saison, d'autoriser les visites libres – là, on est en plein rush estival, et le site vient d'ouvrir.

La galerie de l'Aurignacien

On trouve également sur le site une galerie de l'Aurignacien. C'est un musée, dont l'objectif est de fournir des éléments sur la vie des hommes de cette époque. Pour le coup, je dois avouer n'avoir pas été ébloui outre mesure. La visite commence par un petit film reconstituant une scène de chasse, avec des images de synthèse particulièrement ratées. Elle se poursuit avec de belles maquettes d'animaux disparus (rhinocéros laineux, mammouth, et mention spéciale pour le mégacéros), ainsi que des vêtements et outillages. Quelques panneaux exposent outils, objets et parures, mais les explications sont d'une maigreur affolante. Certes, les salles sont garnies de bornes multimédia où différents préhistoriens sont interviewés sur tel ou tel aspect, et il paraît que la consultation méthodique de ces bornes prend plusieurs heures. Mais l'affluence empêche d'y avoir réellement accès et, au bout du compte, on ressort sans véritable repère. Peut-être parce que c'est un sujet auquel je suis particulièrement sensible, un petit texte m'a un peu irrité ; celui où il est fait allusion aux représentations féminines, pour conclure que la femme avait alors un statut culturel particulier - phrase qui ne veut strictement rien dire, et que chacun pourra interpréter librement en fonction de ses a priori.

La librairie-souvenir, également, est assez maigrichonne ; l'accent est mis bien davantage sur le côté esthétique ou attendrissant (cartes postales, peluches, reproductions...) que sur les explications et les discussions. Il n'y a qu'un seul rayon avec des ouvrages de fond, et sa diversité laisse cruellement à désirer.

En revanche, il faut souligner que la politique de prix est assez agréablement modérée. La visite coûte 13 euros, ce qui n'est pas donné, mais qui n'a rien de scandaleux étant donné le travail réalisé. Pour le reste, les tarifs sont plutôt doux, notamment à la cafeteria, où je redoutais un coup de bambou, et où l'on mange fort bien pour une addition raisonnable (entrée + plat + dessert à 15 €).

L'impression générale est donc qu'en termes de présentation artistique, c'est une réussite incontestable. On reste néanmoins sur sa faim en ce qui concerne les aspects sociaux.

Kezaco ?

Pour finir, il me faut dire quelques mots de la polémique (fort courtoise) qui a surgi à la fin de la visite entre un éminent testardien que j'avais l'honneur d'accompagner et notre guide, au sujet de l'interprétation de l'une des figures du panneau des lions. Pour le guide (et, apparemment, pour les préhistoriens qui l'avaient inspiré) il s'agit d'un jeune mammouth. Pour l'éminent testardien, il s'agit d'un anthropomorphe, c'est-à-dire d'un être possédant des traits humains, mais déformés ou en partie dérivés d'un animal.

Je ne suis pas particulièrement qualifié en la matière (et surtout, j'ai bien peur que ce que nous pouvons dire de l'art préhistorique soit toujours très difficile à prouver contre les affirmations concurrentes. Même son caractère religieux semble difficile à établir avec certitude). Mais j'aurais tendance à penser que si la tête est incontestablement celle d'un jeune mammouth (en tout cas, tel que je me l'imagine), le corps est beaucoup trop élancé, et sa posture contient un je-ne-sais-quoi de bipédie. Quant aux pattes, qui se terminent par des boules, il me semble que ni l'hypothèse du mammouth ni celle de l'anthropomorphe n'en rendent compte - notre guide expliquait que ces boules figurent l'écrasement des extrémités des pachydermes lors de la marche, mais il ne m'a pas vraiment convaincu. Il s'agirait d'une représentation très grossière, alors que tant d'autres traits animaliers sont finement stylisés.

Rappel : à défaut (ou en plus) d'une visite réelle, on peut s'en mettre plein les mirettes avec une visite virtuelle, sur ce magnifique site de ministère de la culture.

9 commentaires:

  1. Au sujet de la polémique autour du bout des pattes de l'homme-éléphant je me permet d'évoquer une petite hypothèse. Toujours d'un point de vue Testardien, mais d'un ouvrage plus ancien (celui "des mythes et des croyances" 1991). Dans lequel Alain Testart montre bien que le grand principe du mythe est le disjonction. A l'origine, tout est confondu, indifférencier. Ce qui s'opère c'est la différenciation (ou disjonction) ; par exemple, celle du ciel et de la terre est assez récurrente dans les mythes d'origines.
    Aussi, mais je vais sans doute un peu vite en besogne, si cet être anthropomorphe témoigne d'un état mythique indifférencier entre les animaux et les hommes, l'indistinction des doigts et la représentation d'une masse sphérique permet d'accentuer ce trait caractéristique d'indifférenciation. Pour raison qu'un dessein s'attarderait particulièrement sur les mains, on peut envisager un let-motif d'autant plus fort qu'elles (les mains) sont vraiment une caractéristiques humaines très marquée (comme la posture bipède). Mains que l'on retrouve (je ne sais à quelle fréquence) en négatif, ce qui semblent indiquer un intérêt marqué des Hommes pour cette partie du corps. Tout du moins, les autres animaux représentés (que vous citez dans votre article par exemple), herbivores ou grands fauves n'ont pas de doigts aussi nettement séparés que l'homme.
    De là à dire que le dessin (que l'on peut imaginer rituel) de la main négative est une répétition de l'ordonnancement (de la différenciation) du monde par opposition aux représentations d'êtres anthropomorphes indifférenciés qui sont la manifestation d'un temps mythique, il n'y a qu'un pas. Bon... disons deux pas.

    Cordialement,

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    1. Bonsoir Tangui, et merci pour votre remarque.

      Je connais bien l'interprétation d'Alain Testart, et la grille de lecture qu'elle propose – au passage, un scoop : son livre sur l'art paléolithique devrait prochainement voir le jour. Mais je ne suis pas convaincu que cette interprétation soit la seule possible, encore moins qu'elle soit la plus probable. De manière générale, j'ai bien peur que les discussions autour de la signification de l'art de ces sociétés disparues soient souvent vaines, les preuves étant particulièrement difficiles à administrer. Derrière la volonté d'A.Testart de plaider pour son interprétation, il y a je crois la volonté de démontrer le parallèle présumé entre l'Europe paléolithique et l'Australie aborigène. Mais, j'ai peur que cette conception globale pèche sur bien des points (j'en avais abordé certains dans ce billet).

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    2. Bonjour Christophe,

      Une excellente nouvelle cette parution. L'art pariétal australien n'a pas grand-chose à voir en effet, ne serait-ce que par le support, il diffère déjà largement et laisse sur place les interprétations de grottes utérus-originels, propices à l'édification des récits d'origines. Maintenant, je ne vois pas bien sur l'image, mais l'éléphant semble être devant ou à l'intérieur d'un autre dont seul les contours seraient esquissés. Ce qui pourrait évoquer un processus descendance.

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  2. N'étant pas un adepte inconditionnel de Testart (ou de qui que ce soit d'autre), je partage néanmoins en gros l'appréciation de mon éminent ami économiste. Mais si techniquement le site est superbe, sa conception, qui va dans le sens général de la muséographie française, me choque : on privilégie à tout prix le spectaculaire, le "beau", aux dépens de toute explication un peu approfondie ; c'est déjà le cas du musée du Quai Branly par exemple ; je remarque simplement qu'il est possible d'allier les deux aspects comme le montre le superbe musée de la Vieille Charité à Marseille.
    Par ailleurs, on ne peut pas vraiment parler de polémique avec le guide mais de l'amorce d'une conversation qui avait d'ailleurs débuté par une interrogation : d'où tenait-il la référence systématique à la religion dans toutes les explications sur ces peintures ? Si j'en avais eu le temps, je lui aurais aussi posé d'autres questions (sur les bêtes "affrontées" par exemple). Enfin, par bonheur, il n'a pas été question de chamanisme…
    Je tiens à préciser que j'ai été très ému par ces peintures "in situ" et assez frustré de n'avoir pu me repaître des merveilleux panneaux des dernières salles, les plus proches de la sortie, sacrifiés sur l'autel du "temps imparti à la visite". J'essaierai de revenir hors saison rien que pour eux.

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    1. Un « éminent testardien » est-il nécessairement un adepte inconditionnel, plutôt qu'un spécialiste en testardologie ? A la différence des bestiaux dont il est question, on ne va pas s'affronter sur cette question qui trouvera sa réponse (consensuelle) autour d'une bonne bouteille.

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  3. Si tu reviens en Arèche du sud, passe ici https://randaardesca.wordpress.com/ .
    Super, j'y ai bénévolé un mois et demi l'an passé et une semaine récemment.

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    1. Merci du tuyau, ça a l'air bien sympa en effet. Je passe dans la région une fois par an voir des amis, je programme cela pour l'an prochain !
      (Question personnelle : c'est le-Émile-de-la-radio ?)

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    2. Euh non c'est Patrice, c'est un pseudo que j'ai utilisé une fois, jme suis rendu compte de mon erreur après le post ^^ .

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