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Deux massacres australiens de plus ?

Theodore Strehlow (1908-1978)
Après une longue quête parsemée d'embûches, j'ai enfin pu me procurer un texte – plus exactement, quelques phrases – rédigées par l'anthropologue Theodore Strehlow, qui font état de deux massacres s'étant déroulés en Australie centrale, semble-t-il vers la fin du XIXe siècle. Ces deux épisodes font écho à celui qu'il raconte en détail dans une de ses œuvres, et qui vit successivement un groupe de vengeurs Matuntara massacrer un campement entier d'Irbmangkara (un sous-groupe Aranda), ne laissant (involontairement) qu'une survivante. Les Aranda, dans les années suivantes, auraient en sens inverse exécuté un à un les coupables, qui se comptaient par dizaines.
À la suite d'autres chercheurs, je considère ce récit comme très douteux, et en tout cas au moins passablement exagéré : on ne voit guère d'où Strehlow aurait pu tirer des informations aussi précises (et qu'il présente comme des faits établis) sur des événements qui s'étaient déroulés bien avant sa propre naissance ; de surcroît les effectifs des victimes supposées, à l'échelle des groupes incriminés, semblent beaucoup trop élevés pour être peu vraisemblables.
Toujours est-il que le même Strehlow – qui fut, par ailleurs, un infatigable défenseur de la cause des Aborigènes et qu'on ne peut donc guère soupçonner de vouloir noircir leurs mœurs – mentionna brièvement, dans un autre de ses écrits, deux autres épisodes :
Cette horreur [le massacre des Irbmangkara] peut être rapprochée par l'élimination, quelques années plus tard, du groupe local des Udebatara de Plenty River, parmi lequel il n'y eut qu'un seul survivant – un garçonnet en larmes qui fut emmené par l'un des vengeurs qui l'éleva comme son propre fils. Pour la même période, un autre incident bien connu fut l'exécution d'un vaste campement d'hommes, de femmes et d'enfants noirs aux environs du mont Eba, là encore sous l'accusation de « sacrilège » – une atrocité qui provoqua une vague d'indignation jusque dans les zones de langue Aranda, quelque 800 kilomètres plus au nord.
Malgré mes efforts, je n'ai pu trouver aucune autre source concernant ces événements. Qui plus est, personne en-dehors de ce texte ne semble connaître un groupe tribal du nom de Udebatara ; il semble, d'après sa localisation géographique et les données cartographiées de Norman Tindale, qu'il relèverait d'un des nombreux groupes mal délimités qui vivaient à l'est du territoire Aranda : peut-être les Wongkamala, ou les Andakerebina. Tout en les ajoutant à la base de données, la prudence dicte donc de les considérer avec une certaine réserve, même si , cette fois, rien ne vient a priori en contester la vraisemblance.

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